À propos de l’auteure

Malika Ladha, M.D., FRCPC
Malika Ladha est dermatologue, titulaire d’un double certificat. Elle a accompli sa résidence en dermatologie à l’université de Calgary. Durant cette période, elle a été coprésidente de la Société des résidents et fellows de l’Association canadienne de dermatologie, et a lancé de nombreuses initiatives nationales d’apprentissage virtuel. Elle s’est vue décerner plusieurs prix. En 2020, le prix « Resident Physician Mentorship and Teaching Award » de la PARA (Professional Association of Residents of Alberta), et en 2021, le prix Mikhael pour l’enseignement médical de MRC (Médecins résidents du Canada) ainsi que le prix du leadership des résidents de l’étranger du Collège royal des médecins du Canada. Elle est actuellement titulaire d’une bourse de recherche clinique en chirurgie au laser et en dermatologie esthétique à l’université de Toronto.
Actualité Dermatologique au Canada, Volume 3, Numéro 3, Septembre 2022
Acide poly-L-lactique pour la volumisation globale du visage
Introduction
Depuis quelques années, des produits de comblement biostimulateurs, tels que l’acide poly-L-lactique (PLLA), sont de plus en plus utilisés pour remédier à l’insuffisance du volume du visage. Le PLLA est un produit de comblement de tissus mous semi-permanent et absorbable qui redonne du volume en stimulant la formation de collagène. Il est comparable à la greffe de graisse au visage.
Le PLLA est approuvé par Santé Canada pour la restauration de la graisse du visage à la suite d’une lipoatrophie induite par un traitement antirétroviral.1 Il est également approuvé pour augmenter le volume des zones déprimées causées par des plis de la peau, des rides, des ridules et au vieillissement de la peau. En utilisation réelle, le PLLA a également été utilisé dans des zones non indiquées sur l’étiquette, dont le cou, la surface dorsale des mains, l’abdomen, les cuisses et le muscle fessier.2 De multiples études ont confirmé le taux élevé de satisfaction des patients, l’excellent profil d’innocuité et l’efficacité du PLLA dans le traitement du vieillissement du visage.3
Mode d’action
Le PLLA injectable se compose de microparticules cristallines de polymères d’acide lactique. Le PLLA est biocompatible, biodégradable et biologiquement inerte. Il a diverses applications médicales, telles que le matériel de suture, les broches, les plaques et les implants de tissus mous.4 Le PLLA est métabolisé en dioxyde de carbone et en eau selon la même voie que l’acide lactique, l’eau étant excrétée par l’appareil respiratoire.4
La nature biostimulatrice du PLLA le différencie des autres produits de comblement : les particules induisent une réaction des tissus à un corps étranger. Cela augmente la réaction des fibroblastes et des histiocytes, menant à une formation accrue de collagène et d’élastine. Ce processus global mène à un épaississement cutané et, à son tour, à une volumisation.
Sélection des patients
La sélection des patients appropriés pour le traitement par PLLA représente la première étape pour parvenir à des résultats esthétiquement souhaitables et sûrs. Les patients présentant une perte globale du volume facial et une légère laxité cutanée représentent des candidats idéaux. Le traitement par PLLA n’est pas approprié à l’amélioration ou au remodelage de sites discrets; ces patients sont mieux servis par des produits de comblement à base d’acide hyaluronique. Le PLLA ne peut être utilisé dans la région sous-orbitaire ou sur les lèvres en raison du risque de formation de nodules.
Il faut évaluer soigneusement les attentes du patient. Les patients doivent comprendre que l’expansion volumétrique est un processus retardé et à long terme, dont les effets initiaux peuvent prendre environ trois mois pour devenir perceptibles.1 Il ne faut donc pas utiliser ce traitement chez les patients souhaitant un effet immédiat. D’autre part, la restauration graduelle du volume peut être profitable à ceux qui souhaitent être discrets au sujet des traitements cosmétiques.
Le PLLA est contre-indiqué chez les patients présentant une hypersensibilité connue. Son innocuité chez les patientes enceintes ou celles qui allaitent? n’a pas été examinée. Le PLLA ne doit pas être injecté sur des sites d’inflammation active.1
Intervalles et planification des traitements
Le degré de correction requis et l’amélioration générale guident le nombre total de flacons. Divers facteurs interviennent dans la détermination de la réponse d’un patient au PLLA, tels que l’âge, les comorbidités sous-jacentes et les modèles génétiques du vieillissement. Il est ainsi difficile d’utiliser une approche générique fondée sur des formules pour calculer le nombre total de flacons de PLLA requis. Toutefois, la « règle des décennies » représente un guide utile : l’âge d’un patient en décennies correspond approximativement au nombre total de flacons de PLLA requis.5 Par exemple, un patient âgé de 43 ans nécessitera un total de quatre flacons, contrairement à un patient âgé de 78 ans qui requerra probablement sept flacons pour une optimisation générale.
Les patients doivent être traités pour obtenir une correction complète, et non une surcorrection, lors de chaque séance d’injection. Ainsi, il est recommandé d’utiliser seulement un ou deux flacons à des intervalles de quatre à six semaines, jusqu’à ce que le nombre total de flacons soit atteint. La monographie du produit suggère une approche « traiter, attendre, évaluer ».1 Il doit y avoir un intervalle d’au moins quatre semaines entre le traitement et l’évaluation pour déterminer l’effet du PLLA.1 Cette série de traitements initiaux est alors suivie d’un entretien périodique, allant de un à deux flacon(s) sur une base annuelle.
Reconstitution
Le PLLA est commercialisé au Canada sous le nom de SCULPTRA. Il se présente sous la forme d’une poudre déshydratée de 150 mg de PLLA lyophilisé, de 90 mg de carboxyméthylcellulose sodique et de 127,5 mg de mannitol. Ce dernier est un cryoprotecteur, alors que la carboxyméthylcellulose sodique est un stabilisateur de produit et un agent de suspension.6 Avant sa reconstitution, le PLLA peut être conservé la température ambiante. Après la reconstitution, SCULPTRA peut être conservé jusqu’à 72 heures à température ambiante ou être réfrigéré, mais pas congelé.1
On peut reconstituer le PLLA avec une eau bactériostatique ou une solution saline normale, la première étant préférée pour prolonger la période de stérilité.5 La monographie du produit suggère une reconstitution au moins deux heures avant l’injection.1 Les protocoles les plus couramment utilisés vont d’une nuit à un mois avant le traitement; des périodes d’hydratation plus longues peuvent mener à une hydratation plus complète des microparticules.3,5
Les premières études sur le PLLA pour la lipoatrophie liée au VIH faisaient appel à de plus petits volumes de reconstitution, allant de 3 à 5 ml.7,8 Des volumes supérieurs (8 à 16 ml) sont désormais utilisés. En association avec de plus longues périodes d’hydratation, cela réduit la viscosité du produit. La diminution de la vitesse réduit probablement le colmatage des seringues, permet une répartition égale dans les zones de traitement et réduit probablement le risque de formation de nodules.3 Pour des volumes accrus et des périodes prolongées, le flacon est initialement reconstitué avec 5 à 7 ml d’eau bactériostatique. Il peut être conservé à température ambiante ou au réfrigérateur. Avant l’injection, le produit est davantage hydraté avec de l’eau bactériostatique supplémentaire ou de la lidocaïne avec ou sans adrénaline.
Anesthésie
La prise en charge de la douleur pendant les interventions esthétiques est un élément important. Il y a deux sites potentiels d’inconfort pendant les injections de PLLA : le point d’entrée cutanée de l’aiguille ou de l’introducteur et lorsque l’aiguille ou la canule touche le périoste. On peut également utiliser une anesthésie topique ou des injections d’anesthésiques locaux au point d’entrée de l’aiguille ou de l’introducteur. Si le produit est reconstitué avec la lidocaïne, les patients ressentiront un certain soulagement une fois que de petites quantités de PLLA auront été administrées à une zone.
Considérations générales relatives à l’injection
Il existe plusieurs considérations techniques. Le PLLA peut être injecté avec une aiguille ou une canule. Il faut utiliser de plus grandes tailles d’aiguilles (calibre 26) ou de canules (calibre 25). Le PLLA reconstitué présente la même consistance que l’eau. Comme telle, il faut peu de pression pour distribuer le produit.
Avant le dépôt, il faut effectuer une manœuvre de reflux pour réduire le risque d’injections intra-artérielles. Il faut injecter le PLLA dans le derme profond ou la couche sous-cutanée. L’utilisation d’aiguilles peut entraîner une mise en place superficielle du produit. La prudence est donc de rigueur avec cette approche. Si l’injection du produit est trop superficielle, la zone injectée blanchira immédiatement ou peu après l’injection. Si cela se produit, il faut retirer l’aiguille et masser doucement la zone du traitement. Si la blancheur ne disparaît pas, il ne faut pas répéter l’injection sur ce patient.1 Un dépôt profond et un enfilage linéaire ou des techniques de « ventilation » sont les plus communément utilisés.5
Un des aspects les plus difficiles des injections de PLLA est le colmatage de l’aiguille ou de la canule. Avant de tirer la solution, elle doit être mélangée vigoureusement pour éviter le colmatage. Il faut prélever la solution au fond du flacon de verre pour éviter la formation de bulles dans la seringue. Le produit reconstitué doit être homogène. Toutefois, il se sépare en quelques minutes. Il doit donc être injecté rapidement et il faut préparer une seule seringue à la fois.5 En cas de colmatage, l’aiguille ou la canule peut être rincée avec une solution saline normale.
Pour obtenir une distribution uniforme du produit, la zone de traitement doit être massée avec vigueur pendant et immédiatement après l’injection.
Période et soins post-traitement
Si le produit est reconstitué avec de la lidocaïne, les patients peuvent ressentir un engourdissement dans les zones traitées pendant une à deux heures. Étant donné les grands volumes de liquide requis pour la reconstitution et l’œdème post-traitement, les patients verront un comblement immédiat, mais temporaire. Au fur et à mesure que le véhicule d’eau se résorbe au cours des 1 à 4 jours suivants, les patients reviennent à leur niveau de départ.5
Les patients doivent également masser les zones au cours des jours suivant le traitement. La « règle du 5-5-5 » peut s’appliquer : au cours des 5 jours suivant le traitement, les patients doivent masser les zones traitées pendant au moins 5 minutes et au moins 5 fois par jour. Cela facilite la distribution uniforme du produit.
Effets indésirables
En général, le PLLA présente un profil d’innocuité favorable.5 Les effets indésirables sont habituellement mineurs et principalement liés à l’injection, tels qu’un érythème, une ecchymose et un œdème. L’apparition de nodules non inflammatoires, causés par une accumulation du produit, a été associée à une distribution inégale du produit. L’observance des massages post-traitement réguliers réduit le risque de formation de nodules. Les nodules peuvent être traités par des injections de solution saline, afin de disperser le produit.
En résumé, le PLLA constitue une option sûre et efficace pour la volumisation globale du visage. Il permet de stimuler le collagène, favorisant ainsi le remodelage dermique.
Références
- Monographie du produit SCULPTRA; https://products.sanofi.ca/fr/sculptra.pdf
- Jabbar A., Arruda S., Sadick N. Off Face Usage of Poly-L-Lactic Acid for Body Rejuvenation. J Drugs Dermatol. 1er mai 2017;16(5):489-494.
- Lin M.J., Dubin D.P., Goldberg D.J., Khorasani H. Practices in the Usage and Reconstitution of Poly-L-Lactic Acid. J Drugs Dermatol. 1er sept. 2019;18(9):880-886.
- Lorenc Z.P., Greene T., Gottschalk RW. Injectable Poly-L-Lactic Acid: Understanding Its Use in the Current Era. J Drugs Dermatol. 1er jun 2016;15(6):759-62.
- Palm M., Chayavichitsilp P. The “skinny”on Sculptra: a practical primer to volumization with poly-L-lactic acid. J Drugs Dermatol. Sept. 2012;11(9):1046-52.
- Rotunda A.M., Narins R.S. Poly-L-lactic acid: a new dimension in soft tissue augmentation. Dermatol Ther. Mai-juin 2006;19(3):151-8. doi:10.1111/j.1529-8019.2006.00069.x
- Valantin M.A., Aubron-Olivier C., Ghosn J., et al. Polylactic acid implants (New-Fill) to correct facial lipoatrophy in HIV-infected patients: results of the open-label study VEGA. AIDS. 21 nov. 2003;17(17):2471-7. doi:10.1097/00002030-200311210-00009
- Woerle B., Hanke C.W., Sattler G. Poly-L-lactic acid: a temporary filler for soft tissue augmentation. J Drugs Dermatol. Juillet-août 2004;3(4):385-9.