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À propos de l’auteur

Ashley E Sutherland

Ashley E. Sutherland, MD, FRCPC

La Dre Ashley Sutherland est professeure agrégée à l’Université Dalhousie, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Elle exerce à la fois en milieu communautaire et universitaire et reçoit des patients en dermatologie pédiatrique et adulte. Elle a obtenu son diplôme de médecine et effectué sa résidence en dermatologie à l’Université Dalhousie. Elle est également titulaire d’une maîtrise en biologie cellulaire et moléculaire de l’Université de Calgary. Elle est actuellement directrice du programme de formation en dermatologie de Dalhousie et s’intéresse à l’éducation médicale et à l’enseignement. Elle s’intéresse également aux effets indésirables cutanés graves et aux urgences dermatologiques.
Actualité Dermatologique au Canada, Volume 2, Numéro 4, Décembre 2021

Approche du diagnostic et de la prise en charge de l’éruption muqueuse infectieuse réactive (RIME)

Contexte 

L’éruption cutanée et la mucosite induites par les infections à Mycoplasma pneumoniae ([MP] MIRM), également connues sous le nom d’éruption muqueuse infectieuse réactive (RIME), ont été décrites pour la première fois comme une entité distincte en 20151. Cette affection a toujours été classée dans la catégorie des érythèmes polymorphes et dans le spectre du syndrome de Stevens-Johnson (SJS) et de la nécrolyse épidermique toxique (TEN). La RIME/MIRM est cependant une entité séparée avec des caractéristiques cliniques distinctes nécessitant une approche spécifique pour fournir au patient un diagnostic exact, un traitement et optimiser ses résultats. 

L’infection à Mycoplasma pneumoniae est une infection bactérienne qui est une cause fréquente de pneumonie extra-hospitalière chez les enfants et les adolescents de plus de 5 ans2,3. Au-delà des manifestations respiratoires, l’infection à MP est également connue pour avoir un certain nombre de manifestations extra-pulmonaires et comme étant une cause de mucosite et d’éruption cutanée importantes dans la population pédiatrique et moins fréquemment chez les adultes4. D’autres déclencheurs infectieux ont également été détectés dans les cas de la RIME et comprennent Chlamydophila pneumonia, le virus de la grippe B, et un certain nombre d’autres virus respiratoires. 

Tableau clinique 

Une revue systématique effectuée par Canavan et al. (2015) a noté que l’âge moyen des patients présentant une RIME/MIRM était de 11,9 +/- 8,8 ans et que la majorité était de sexe masculin (66 %). De même, des symptômes avant-coureurs tels que la toux, la fièvre et les malaises ont été observés chez presque tous les patients et se sont généralement présentés une semaine avant l’apparition de l’éruption cutanée1. L’atteinte des muqueuses a été observée chez presque tous les patients suspectés de présenter une RIME/ MIRM. La muqueuse buccale était le plus souvent touchée (94 % des patients), suivie de la muqueuse oculaire (82 % des patients) et de la muqueuse urogénitale (63 % des patients)1. Les lésions de la muqueuse buccale englobaient les érosions, les ulcères, les lésions vésiculobulleuses et la desquamation érosive de toute la muqueuse buccale. Les lésions oculaires observées étaient les suivantes : conjonctivite bilatérale purulente, photophobie et oedème des paupières. La muqueuse urogénitale comportait des lésions vésiculobulleuses ainsi que des érosions et des ulcérations du méat, de la verge, du scrotum, de la vulve et du vagin1. 

Les lésions cutanées des patients présentant une RIME/MIRM sont polymorphes. Dans la revue de Canavan et al., les auteurs ont constaté que les lésions vésiculobulleuses étaient les plus fréquemment observées (77 % des patients), suivies des lésions cibloïdes 

(48 % des patients), des papules (14 % des patients), des macules (12 % des patients) et d’une éruption morbilliforme 

(9 % des patients)1. Contrairement aux personnes présentant un SJS, les lésions cutanées de la RIME/MIRM sont généralement plus clairsemées, avec seulement quelques lésions éparses. La distribution la plus fréquente était acrale (46 % des cas), suivie par une distribution généralisée 

(31 % des cas) et tronculaire 

(23 % des cas)1. Il s’agit d’un autre élément de différenciation par rapport au SJS. En général, les lésions cutanées du SJS commençaient au centre du tronc et s’étendaient vers le bas au fur et à mesure de la progression de la maladie. 

Diagnostic de la RIME/MIRM 

Le soupçon clinique de RIME/ MIRM doit être élevé chez les patients pédiatriques présentant des symptômes avant-coureurs de toux, de fièvre et de malaises accompagnés d’érosions et d’ulcérations des muqueuses et de lésions cutanées acrales éparses. En fonction du tableau clinique, un bilan sanguin peut être indiqué au départ. Il peut s’agir de tests sanguins courants (tels que ceux pour la numération de la formule sanguine complète, la fonction hépatique et rénale, et les marqueurs inflammatoires tels que la vitesse de sédimentation des érythrocytes ou la CRP), mais d’autres tests peuvent être nécessaires en fonction du tableau clinique et des considérations thérapeutiques4. Des échantillons par écouvillonnage nasopharyngés ou oropharyngés doivent être prélevés pour rechercher Mycoplasma pneumoniae, Chlamydophila pneumoniae et les virus respiratoires. La réaction en chaîne de la polymérase (RCP) est généralement la méthode préférée pour ces échantillons en raison de la rapidité d’exécution, ainsi que de la sensibilité et de la spécificité élevées du test4. Une radiographie thoracique peut également être envisagée, mais les résultats radiographiques de l’infection à Mycoplasma pneumoniae peuvent être variables et ressembler aux résultats observés chez les enfants atteints d’autres infections respiratoires virales. L’infection à Mycoplasma pneumoniae se caractérise le plus souvent par des opacités réticulonodulaires focales limitées à un seul lobe5. Une biopsie cutanée à l’emporte-pièce peut être réalisée pour aider à écarter d’autres affections qui pourraient figurer dans le diagnostic différentiel, comme le pemphigus vulgaire, mais les résultats histologiques de la MIRM/RIME seraient semblables à ceux du SJS et de la TEN et ne permettraient probablement pas de différencier une nécrolyse épidermique déclenchée par un médicament ou une infection. 



 Prise en charge de la RIME/MIRM 

Étant donné l’étendue de l’atteinte des muqueuses, de nombreux patients atteints de RIME/MIRM requièrent une hospitalisation pour la prise en charge de la douleur et un soutien nutritionnel, outre les traitements visant l’affection sous-jacente. Une revue récente de la Dre Michele Ramien présente une approche complète de la prise en charge des patients présentant une RIME/MIRM et comprend un examen général contenant les recommandations suivantes4. 

En cas de diagnostic de RIME/ MIRM, les patients doivent être évalués pour savoir s’ils doivent être hospitalisés. En général, ces patients peuvent être pris en charge dans une unité médicale pédiatrique, mais il peut être nécessaire de prendre des précautions contre les contacts et les gouttelettes si une infection à Mycoplasma pneumoniae est suspectée. Ces patients doivent recevoir un traitement symptomatique comprenant un régime alimentaire fade et mou ainsi qu’une prise en charge de la douleur, qui peut inclure de l’acétaminophène, des AINS et parfois des opioïdes. Les cas présentant une atteinte muqueuse importante doivent également faire l’objet d’une consultation auprès des services appropriés tels que l’ophtalmologie, l’urologie ou la gynécologie afin d’éviter les complications potentielles à long terme telles que les synéchies muqueuses1. 



Les traitements médicaux visant à remédier aux lésions des muqueuses peuvent inclure le « bain de bouche magique » (un rinçage composé d’ingrédients tels que des analgésiques, des anti-inflammatoires et des antimicrobiens), des rinçages à la chlorhexidine ou des corticostéroïdes topiques tels que le clobétasol pour les lésions buccales et urogénitales. Chez les patients présentant une atteinte oculaire, des traitements topiques tels que des larmes artificielles, de la dexaméthasone ou des gouttes oculaires antimicrobiennes (comme la moxifloxacine) peuvent être mis en place4. 

Des traitements visant le déclencheur infectieux, généralement Mycoplasma pneumoniae, doivent également être instaurés rapidement en cas de soupçon d’infection sous-jacente. Le traitement de première intention de l’infection à MP comprend des antibiotiques macrolides tels que l’azithromycine. Les autres options antimicrobiennes possibles sont les tétracyclines ou les fluroquinolones. En raison du risque de décoloration des dents, l’administration de doxycycline est généralement évitée chez les patients âgés de moins de 8 ans, mais cet effet indésirable est considéré comme faible en cas d’utilisation de courte durée6. La durée typique du traitement varie selon l’antibiotique, mais elle est généralement de 5 jours pour l’azithromycine, avec la posologie habituelle, et de 7 à 10 jours pour les autres traitements. 

Il n’existe actuellement aucune ligne directrice concernant le traitement de la RIME/MIRM active, car peu d’études ont été publiées sur la prise en charge optimale de cette affection. Le traitement est depuis toujours semblable au traitement du SJS/de la TEN. Les traitements utilisés comprennent les corticostéroïdes administrés par voie générale, l’immunoglobuline intraveineuse (IVIG), la cyclosporine et les agents biologiques anti- TNF tels que l’étanercept ou l’infliximab. Selon des études antérieures, des corticostéroïdes administrés par voie générale ont été utilisés dans environ 31 % des cas et l’IVIG dans 9 % des cas1,7. Il a été démontré que les corticostéroïdes ne traitent pas seulement l’inflammation associée à la RIME/MIRM, mais qu’ils sont également bénéfiques pour traiter la pneumonie sous-jacente8. Une série de cas rapportée par Li et al. (2019) a montré que l’instauration précoce d’un traitement par la cyclosporine peut réduire la durée de l’hospitalisation à 5 à 7 jours, au lieu d’environ 14 jours chez les patients traités par des corticostéroïdes administrés par voie générale ou une IVIG. La dose de cyclosporine dans ces cas était de 3 à 5 mg/kg/jour et était administrée en moyenne pendant 7 à 10 jours au total4,9. 



 Pronostic de la RIME/MIRM 

En général, la plupart des patients se rétablissent complètement sans séquelles à long terme1. Les récidives de RIME/MIRM sont peu fréquentes, mais on estime qu’elles surviennent dans 8 à 38 % des cas1,10. Une publication récente de Liakos et al. a noté que les récidives de RIME/MIRM avaient tendance à être moins graves en ce qui concerne les résultats cutanés et muqueux, ce qui a pour conséquence un taux d’admission à l’hôpital plus faible ou une durée d’hospitalisation plus courte10. Les synéchies oculo-muqueuses et les dyschromies muco-cutanées sont les complications les plus fréquemment observées. Les complications graves, semblables à celles observées dans le SJS/ la TEN, sont très rares. De plus, contrairement au SJS/à la TEN, la mortalité est beaucoup plus faible et estimée à 3 %, mais ces chiffres peuvent être surestimés, car cela a été observé dans des études publiées avant l’utilisation généralisée des antibiotiques pour l’infection à Mycoplasma pneumoniae1. 

Conclusion 

L’éruption muqueuse infectieuse réactive dans la population pédiatrique se caractérise par les symptômes avant-coureurs suivants : une toux, de la fièvre et des malaises suivis d’une maladie érosive des muqueuses et de lésions cutanées polymorphes. L’atteinte des muqueuses peut être grave, et une hospitalisation est souvent nécessaire pour un soutien nutritionnel et une prise en charge de la douleur. Le dépistage de l’infection à Mycoplasma pneumoniae doit être effectué par un test RCP sur des échantillons par écouvillonnage nasopharyngés ou oropharyngés, et des traitements visant à soigner les muqueuses et la peau doivent être mis en place. Dans certains cas, des médicaments à action générale tels que la cyclosporine, les corticostéroïdes ou l’IVIG peuvent être utilisés. Plus précisément, la cyclosporine a donné des résultats prometteurs pour réduire la durée de la maladie et la durée d’hospitalisation. 

Références : 

1. Canavan TN, Mathes EF, Frieden I, Skinkai K. Mycoplasma pneumonia-induced rash and mucositis as a syndrome distinct from Stevens- Johnson syndrome and erythema multiforme: A systematic review. J Am Acad Dermatol. 2015; 72(2): 239-245. 

2. Jain S, Williams DJ, Arnold SR et al. Community acquired pneumonia requiring hospitalization among U.S. children. N Engl J Med. 2015; 372: 835-45 

3. Bradley JS, Byington CL, Shah SS et al. The management of community-acquired pneumonia in infants and children older than 3 months of age: clinical practice guidelines by the Pediatric Infectious Diseases Society and the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis. 2011; 53: e25-76. 

4. Ramien ML. Reactive infectious mucosal eruption: Mycoplasma pneumonia-induced rash and mucositis and other parainfectious eruptions. Clin Exp Dermatol. 2021; 46:420-429. 

5. John SD, Ramanthan J, Swischuk LE. Spectrum of clinical and radiographic findings in pediatric mycoplasma pneumonia. RadioGraphics. 2001; 21:121-131. 

6. Poyhonen H, Nurmi M, Peltola V, Alaluusua S, Ruuskanen O, Lahdesmaki T. Dental staining after doxycycline use in children. J Antimicrob Chemother. 2017; 72: 2887-2890. 

7. Meyer Sauteur PM, Goetschel P, Lautenschlager S. Mycoplasma pneumonia and mucositis- part of the Stevens-Johnson syndrome spectrum. J Dtsch Dermatol Ges. 2012; 10:740-746. 

8. Michaels B. The role of systemic corticosteroid therapy in erythema multiforme major and Stevens-Johnson syndrome: a review of past and current opinions. J Clin Aesthet Dermatol. 2009; 2: 51-55. 

9. Li HO-Y, Colantonio S, Ramien ML. Treatment of Mycoplasma-pneumoniae-induced rash and mucositis with cyclosporine. J Cutan Med Surg. 2019; 23: 608-612. 

10. Liakos W, Xu A, Finelt N. Clinical features of recurrent Mycoplasma pneumoniae-induced rash and mucositis. Pediatr Dermatol. 2021; 38(1): 154-158.