À propos de l’auteure

Malika Ladha, M.D., FRCPC
Malika Ladha est dermatologue, titulaire d’un double certificat. Elle a accompli sa résidence en dermatologie à l’université de Calgary. Durant cette période, elle a été coprésidente de la Société des résidents et fellows de l’Association canadienne de dermatologie, et a lancé de nombreuses initiatives nationales d’apprentissage virtuel. Elle s’est vue décerner plusieurs prix. En 2020, le prix « Resident Physician Mentorship and Teaching Award » de la PARA (Professional Association of Residents of Alberta), et en 2021, le prix Mikhael pour l’enseignement médical de MRC (Médecins résidents du Canada) ainsi que le prix du leadership des résidents de l’étranger du Collège royal des médecins du Canada. Elle est actuellement titulaire d’une bourse de recherche clinique en chirurgie au laser et en dermatologie esthétique à l’université de Toronto.
Actualité Dermatologique au Canada, Volume 3, Numéro 4, Décembre 2022
Le plasma riche en plaquettes (PRP) en dermatologie esthétique
Le plasma riche en plaquettes (PRP) est utilisé dans le domaine de l’orthopédie depuis les années 1970 pour la réparation du cartilage, les greffes osseuses et la cicatrisation des lésions musculo-squelettiques.1 Le PRP est un produit sanguin autologue qui contient une concentration élevée de plaquettes, et que Santé Canada définit comme un « médicament ».2
Au cours de la dernière décennie, cette modalité de traitement est venue grossir l’arsenal thérapeutique de la dermatologie esthétique. Sa popularité ne cesse d’augmenter dans le contexte réel et est probablement favorisée par les réseaux sociaux et d’autres formes de médias. Cet article a pour but d’analyser la place du PRP en dermatologie esthétique.
Physiopathologie
Les plaquettes sont des fragments cytoplasmiques anucléés de mégacaryocytes. Les plaquettes jouent un rôle essentiel dans l’hémostase : elles adhèrent à la paroi vasculaire endommagée pour former un clou plaquettaire qui ensuite induira la formation du thrombus. Les plaquettes produisent des granules alpha qui contiennent plus de 30 facteurs de croissance mitogènes et chimiotactiques, tels que le facteur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF) et le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF), ainsi que des cytokines.3
Le PRP du sang total est isolé par un processus de centrifugation, à une concentration 3 à 7 fois supérieure à celle du plasma original.3 On suppose que ce niveau supraphysiologique de protéines de croissance induit la prolifération et la différenciation des cellules souches, ainsi que l’activation des fibroblastes.3 Elle a donc été suggérée comme une modalité de traitement potentielle, soit en monothérapie, soit en traitement d’appoint, en dermatologie esthétique.
Méthode de prélèvement
Les méthodes de prélèvement du PRP varient fortement. De nombreux systèmes permettant de prélever le PRP sont disponibles sur le marché, et les protocoles diffèrent selon les marques. Les protocoles traditionnellement acceptés font appel à une ponction veineuse initiale pour prélever 10 à 22 mL de sang total.4 Le Tableau 1 illustre les conseils pour les prélèvements sanguins difficiles.

Tableau 1. Conseils pour améliorer le prélèvement de sang veineux;21 avec l’aimable autorisation de Malika Ladha, M.D.
La seringue utilisée pour le prélèvement est enduite d’un anticoagulant (solution d’acide-citrate-dextrose ou de citrate de sodium) ou un anticoagulant est ajouté pour prévenir la coagulation. L’étape suivante est la centrifugation. De nombreux paramètres varient : la vitesse de centrifugation, qui va de 1 200 à 3 100 tours par minute (tr/min); la durée de centrifugation, qui va de 5 à 15 minutes; et le nombre de centrifugations (une seule ou deux).
Un protocole reposant sur une centrifugation unique sépare le sang total en 3 couches distinctes, de bas en haut : les globules rouges, la couche leucocytaire et le PRP. Dans la méthode à 2 centrifugations, la première sépare les globules rouges du plasma, puis la seconde (appelée centrifugation douce) produit le PRP et le plasma pauvre en plaquettes.5 Le PRP est ensuite séparé.
Les applications dermatologiques ne nécessitent pas l’activation du PRP par du chlorure de calcium ou de la thrombine. Des études menées récemment ont démontré que l’utilisation de tels agents d’agrégation n’est pas nécessaire pour l’induction des plaquettes.6
Traitement par le PRP
Après séparation, le PRP peut être injecté par voie intradermique ou utilisé en applications topiques après la procédure. On pense que l’utilisation d’aiguilles pour l’application intradermique joue également un rôle dans la collagénose dermique induite par le traitement par le PRP. Au cours d’une étude prospective réalisée en 2016, les chercheurs ont injecté du PRP ou une solution saline dans la zone infra-auriculaire des participants.7 Des biopsies à l’emporte-pièce ont été réalisées avant l’injection et 28 jours après le traitement. Alors que la densité des fibres de collagène était la plus forte dans le groupe traité par PRP, le groupe ayant reçu une solution saline présentait un nombre accru de faisceaux de fibres de collagène et des bandes élastiques plus épaisses.
La prise en charge de la douleur est un élément important, surtout lors d’injections intradermiques. Parmi les méthodes permettant de réduire la douleur, on peut citer l’anesthésie de contact, les dispositifs de refroidissement par air et les dispositifs vibratoires aux fins de distraction. Une anesthésie locale doit se faire avec prudence, car elle peut modifier le pH du PRP et pourrait en diminuer l’efficacité.8
On ne dispose d’aucune ligne directrice internationale de consensus sur le traitement par le PRP. Il existe une forte variabilité dans la quantité de PRP utilisée, le nombre total de traitements et l’intervalle de temps entre ceux-ci.
Sélection des patients et effets indésirables
On estime que le PRP est sans danger pour la plupart des personnes. Le PRP n’est pas recommandé dans certaines situations liées à des maladies concomitantes sous-jacentes ou à la prise simultanée de médicaments (Tableau 2).9 De plus, plusieurs traitements consécutifs par le PRP sont nécessaires (à des intervalles de 2 à 12 semaines); il est donc nécessaire de tenir compte du mode de vie du patient.

Tableau 2. Contre-indications cliniques du traitement par le PRP; avec l’aimable autorisation de Malika Ladha, M.D.
Les effets indésirables sont généralement légers et transitoires. Le Tableau 3 présente les plus courants. Aucun effet indésirable grave, tel qu’une infection, la formation de cicatrices ou une hyperpigmentation post-inflammatoire, n’a été rapporté dans les revues systématiques présentées ci-dessous.

Tableau 3. Effets indésirables transitoires du traitement par le PRP;17,20 avec l’aimable autorisation de Malika Ladha, M.D.
PRP pour les cicatrices d’acné
On pense que le PRP induit le recrutement des fibroblastes et le dépôt de collagène au niveau des sites d’application, ce qui entraîne une réduction des cicatrices sus-jacentes.10 Le PRP a donc été utilisé comme traitement d’appoint des cicatrices d’acné, en association avec des traitements par microperforations ou par laser ablatif.
Bien qu’elles soient limitées, les données actuelles démontrent que l’association du PRP et de microperforations améliore les résultats esthétiques, les résultats globaux pour le patient, et réduit la durée d’arrêt après le traitement.11 Selon une méta-analyse de neuf études sur l’utilisation du laser CO2 fractionné et du PRP pour le traitement des cicatrices d’acné, cette bithérapie offre davantage d’améliorations cliniques, accroît la satisfaction des patients et diminue la durée des croûtes par rapport au laser CO2 fractionné seul.12
PRP pour l’alopécie androgénétique
La première observation des effets du PRP sur la pousse des cheveux chez les patients atteints d’alopécie androgénétique (AAG) remonte à 2006.13 Le mode d’action n’a été que partiellement élucidé. On pense que plusieurs modes d’action du PRP entrent en jeu pour stimuler la pousse : la stimulation de la différenciation des cellules souches des follicules pileux par le biais de la voie MAPK/ERK, la prolongation de la phase anagène du cycle pilaire et induction de l’angiogenèse qui augmente la vascularisation périfolliculaire.14-16
Une revue systématique sur le PRP dans la perte des cheveux a porté sur 30 études incluant 687 patients.17 Dix études contrôlées à répartition aléatoire ont été incluses. Selon les auteurs, 29 études ont démontré un avantage et 24 études ont atteint une signification statistique pour un critère d’évaluation mesuré, notamment la densité et l’épaisseur des cheveux.17
PRP et vieillissement de la peau
Le vieillissement de la peau peut se manifester par des rides, une laxité et des modifications de la texture générale. On pense que le PRP induit un remodelage de la matrice extracellulaire (MEC) en stimulant la prolifération des fibroblastes et la synthèse du collagène.
Il existe peu de données sur l’utilisation du PRP pour le rajeunissement du visage.18 La première étude contrôlée à répartition aléatoire a été menée en 2018.19 Les participants ont reçu des injections intradermiques de 3 mL de PRP dans une joue et de solution saline normale dans l’autre joue. Deux dermatologues dans l’ignorance du traitement ont établi un score de photovieillissement sur les ridules, la pigmentation, la rugosité et la pâleur. Les participants ont rempli un questionnaire d’auto-évaluation sur l’amélioration et la satisfaction. Bien qu’aucune amélioration statistiquement significative du score de photovieillissement n’ait été constatée, les participants ont estimé que l’aspect des rides et de la texture de la joue traitée par le PRP était bien meilleur.
Une autre revue systématique de 24 études a été publiée. Parmi ces études, 8 étaient contrôlées et à répartition aléatoire, et représentaient un total de 480 patients ayant subi un traitement par le PRP pour le rajeunissement du visage.20 La monothérapie par le PRP a permis une amélioration modeste de la qualité de la peau et des rides du visage. Toutefois, on ignore dans quelle mesure ces effets ont réellement persisté. Lorsqu’il est utilisé comme traitement d’appoint au resurfaçage au laser, le PRP améliore les résultats et réduit à la fois le temps d’arrêt et l’érythème.18,20 Il est intéressant de noter que les résultats de l’auto-évaluation des patients sur la satisfaction sont excellents, malgré un degré d’amélioration clinique inférieur à 50 %.20
Orientations futures
La technologie utilisée pour préparer le PRP, les protocoles de centrifugation et les méthodes d’application clinique variaient entre les études présentées dans cette revue. Les différences dans les résultats cliniques peuvent être attribuées à ce manque de normalisation des protocoles de prélèvement. De plus, on constate une variabilité importante dans le volume idéal, la technique d’administration du PRP, le nombre total de séances de traitement et les intervalles entre traitements. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour normaliser les protocoles de prélèvement et de traitement.
Conclusion
Le PRP gagne en popularité dans le cadre clinique, malgré le nombre faible ou modéré de données probantes disponibles. Le produit est prometteur en tant que modalité thérapeutique en dermatologie esthétique et peut être utilisé en monothérapie ou en association avec d’autres traitements. Toutefois, l’utilisation du PRP n’est associée à aucun protocole normalisé. D’autres études sont nécessaires pour mieux comprendre son mode d’action, ses avantages et ses limitations.
Références
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