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À propos de l’auteur

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Nicole Hawkins, MD

Dre Hawkins a grandi à Calgary, en Alberta. Elle a fréquenté l’Université Acadia, où elle a obtenu un baccalauréat spécialisé en nutrition. Elle a ensuite fréquenté l’École de médecine de l’Université Queen’s et a effectué sa résidence en dermatologie à l’Université de Saskatchewan et à l’Université de Toronto. Elle est agréée au Canada, toute comme aux États-Unis, en dermatologie. La Dre Hawkins a obtenu son certificat en recherche clinique et translationnelle fondamentale de l’Université Harvard alors qu’elle dirigeait un cabinet très occupé, axé sur les soins et la recherche, à Saskatoon. Depuis 2019, elle est établie à Calgary et partage son temps entre l’exercice de la dermatologie médicale à Okotoks et de la dermatologie esthétique à la clinique Dermapure à Calgary. Elle aime voir des patients de tous âges et à tous les stades de la vie. Elle est conseillère médicale pour l’Alliance canadienne des patients en dermatologie. Dans son temps libre, la Dre Hawkins pratique le ski, joue au tennis ou passe du temps avec son conjoint et ses deux jeunes fils.

Actualité Dermatologique au Canada, Volume 2, Numéro 2, Mai 2021

Les fruits de la pandémie : leçons et observations personnelles

Un article paru récemment dans un journal canadien posait la question suivante: « Est-ce que la vie va bientôt revenir à la normale? »1. C’est I’un des articles les plus optimistes que j’ai lus cette année. Les auteurs – tous des infectiologues – évoquaient un éventuel retour à nos activités normales, rendu possible grâce au déploiement des vaccins contre la COVID-19. Cette dernière année a subitement bouleversé notre vie et celle de nos patients et de nos collectivités. J’ai commencé à réfléchir sur certains changements qui pourraient persister après ce « retour à la normale », et je relate ici mes propres expériences et celles de mes collègues dermatologues avec lesquelles j’ai communiqué au cours des derniers mois par texto, par téléphone ou par zoom. 

Décisions personnelles et espace personnel

Les hivers passés, je contractais habituellement un rhume ou deux – comme résidente, un peu plus. Mais cette année, avec le lavage et l’hygiène des mains pour les patients et les médecins, la distanciation physique et le port du masque, je m’en suis mieux sortie. Au début de la pandémie, les tables étaient séparées, des autocollants jonchaient le sol partout et même les panneaux illuminés aux abords du viaduc sur mon trajet nous rappelaient de garder nos distances pour se protéger. Depuis, la conscience de la position de notre corps dans l’espace par rapport aux autres s’est vite implantée. La plupart de mes patients savent qu’ils doivent reporter leurs rendez-vous quand ils ne se sentent pas bien et tousser ou éternuer dans leur coude, le visage couvert. Nous sommes plus conscients des gouttelettes que nous projetons et de l’endroit où elles atterrissent. La Dre Jori Hardin de Calgary aspire à un changement de mentalité, de sorte que les médecins et les patients restent chez eux s’ils sont malades. Je suis tout à fait de son avis. On peut briser la chaîne de transmission de la COVID-19 simplement en restant à la maison. Cette année, notre clinique a commencé à organiser des « journées ouvertes » – une par mois – pour que les patients dont le rendez-vous 

doit être reporté parce qu’un médecin ou un membre de la famille est malade, puissent se présenter à la clinique ce jour-là. J’ai également constaté pendant cette pandémie que les patients étaient plus compréhensifs quand il s’agit de changer la date de leur visite. Et j’espère que cette tendance va perdurer bien après que nous ayons tous été vaccinés. 

Télédermatologie – et reconnaissance de ses meilleures applications

Lorsque les consignes de la santé publique ont conduit à la fermeture de nombreuses cliniques de dermatologie en 2020, la plupart d’entre nous nous sommes adaptés en offrant des soins virtuels. Les divers logiciels et plateformes technologiques pour la prestation de la télésanté existent depuis des années mais, maintenant, avec aucun autre moyen de voir les patients – et un barème d’honoraires à l’appui  –, de nombreux dermatologues ont pu justifier son utilisation. Nous avons éprouvé les problèmes courants avec la qualité des images et les flux vidéo, mais nous avons réussi à voir un nombre raisonnable de patients en suivi et même à accommoder quelques nouvelles consultations. 

Certaines affections ont été facilement traitées en virtuel, mais l’incapacité de pratiquer des biopsies ou des excisions s’est avérée terriblement frustrante. Nous n’avions aucune idée à quel moment nous serions autorisés à rouvrir et à quelle capacité. Une récente étude réalisée par les dermatologues canadiens Leis, Fleming et Lynde2, visant à évaluer l’expérience des dermatologues au cours de l’été 2020, a révélé que 58 % des répondants étaient insatisfaits de la télédermatologie et que 74 % éprouvaient moins de satisfaction au travail. Cette enquête a fait ressortir un point important. La majorité d’entre nous avons étudié en médecine, plus spécialement en dermatologie, pour voir des patients et aider les gens. On peut concevoir dans un monde post-pandémie que la technologie sera utilisée de manière fiable pour améliorer les soins dans plusieurs situations, entre autres pour rejoindre les patients dans les régions éloignées ou suivre les patients stabilisés sous traitement médicamenteux, mais sans interaction avec les patients dans le monde réel, comment ressentir la satisfaction d’extraire un immense pore dilaté de Winer?

Salles d’attente

Avant la pandémie, nos salles d’attente étaient bondées de patients serrés comme des sardines. Maintenant, nos salles d’attente sont vides. Les patients sont dehors dans leur auto à écouter un balado ou à prendre un appel du bureau, à se balader dans les environs ou à boire un café avec un compagnon à une distance raisonnable. Ils reçoivent un texto quand c’est à leur tour d’être dirigés vers une salle d’examen; ils entrent alors dans la clinique, où ils sont accueillis par un membre de l’équipe. Cette façon de faire semble tellement plus civilisée, plus respectueuse du temps de nos patients.

Une autre innovation dont m’a fait part ma collègue Kim Tran a été l’application d’un logiciel qui abrège et simplifie le formulaire d’accueil du patient. À notre clinique, nous avons toujours demandé aux patients de remplir un questionnaire dans la salle d’attente avant leur consultation. Le questionnaire était ensuite numérisé dans le dossier du patient et examiné par l’équipe. Certains des nouveaux logiciels facilitent ce processus en envoyant par courriel au patient, quelques jours avant son rendez-vous, un lien sécurisé par lequel il fournit ses antécédents, actualise ses coordonnées et ajoute les traitements antérieurs et autres détails qu’il juge important pour sa prochaine visite. Les réponses sont téléversées au dossier médical électronique du patient et reliées automatiquement à sa fiche santé. La dermatologue a constaté qu’elle est mieux préparée pour rencontrer chaque patient, qu’elle dispense des soins plus efficaces et plus minutieux et que les patients sont enchantés du processus.

Code vestimentaire

Après la naissance de mes enfants, j’ai commencé à porter des tuniques médicales au travail. Dans ma clinique de dermatologie esthétique, à Calgary, le style vestimentaire était plus relevé et j’ai dû retourner à une tenue d’affaires décontractée. Tout cela a changé avec la COVID-19, car les vêtements hygéniques étaient obligatoires. Plusieurs cliniques ont adopté le laver-porter pour la prévention des infections, et un bon nombre de ces dermatologues vont continuer à porter les tuniques régulièrement. La Dre Angela Law de Vancouver m’a affirmé qu’elle n’a aucune intention de renoncer aux uniformes, évoquant leurs nombreux avantages, dont le fait qu’ils ne coûtent pas cher, sont lavables à la machine et peuvent être portés avec des sabots ou autres chaussures de travail. Maints articles ont été publiés au fil des ans sur la tenue vestimentaire des travailleurs de la santé, dont des études démontrant que les uniformes, lavés à la maison ou à l’hôpital, abritent sensiblement le même nombre de bactéries pathogènes7,8, mais les patients ont dit préférer que les médecins portent une tenue professionnelle. Reste à voir si cette perception va changer après la pandémie.

Suivi en laboratoire

Au cours des dernières années, de nombreux articles ont été publiés sur la surveillance en laboratoire des médicaments couramment prescrits en dermatologie, surtout la spironolactone3 et l’isotrétinoïne. L’avènement de la pandémie et les fermetures rapides, suivies de la réouverture partielle des laboratoires communautaires, ont amené plusieurs dermatologues à réévaluer quels patients ont besoin d’être soumis à des analyses et à quel moment. Barbieri et son équipe ont conclu qu’il y a moyen d’améliorer la qualité des soins aux patients traités par l’isotrétinoïne… en réduisant la fréquence des bilans lipidiques et des bilans hépatiques de contrôle et en éliminant les hémogrammes4. Le paysage continue de changer, en ce qui concerne l’accessibilité aux laboratoires communautaires, mais les cliniciens peuvent se fier aux visites de contrôle et aux questions de dépistage avec leurs patients pour déterminer si la poursuite d’un traitement et le renouvellement d’ordonnances ne posent aucun risque. Ce que nous avons retenu, c’est que les changements rendus nécessaires par la pandémie nous ont obligés à jauger quelles analyses demander et pourquoi.

J’ai la chance de travailler avec six merveilleux médecins de famille, qui m’ont confié que de plus en plus de patients signalaient des problèmes de santé mentale au cours de la dernière année. Les publications scientifiques font état d’une incidence accrue d’anxiété, de symptômes dépressifs, de colère et de peur durant les douze derniers mois5,6. Ces problèmes touchent les personnes de tout âge, en particulier les enfants et les adolescents et les personnes âgées. Beaucoup de gens doivent composer avec une perte d’emploi, l’école à la maison et l’isolement social. Il est important de toujours garder à l’esprit que les patients souffrent de bien plus qu’une maladie de la peau, ce que nous ne considérions pas toujours avant la pandémie de COVID-19. 

Recentrage

La pandémie nous a changés à plusieurs égards. Je suis retournée à la clinique avec une capacité réduite de consacrer plus de temps à la désinfection soigneuse des salles d’examen et j’ai découvert que le rythme plus détendu me plaisait énormément. J’effectue des anamnèses et des examens plus approfondis, je termine mes consultations à l’heure et je me sens moins bousculée durant la journée. Plusieurs collègues dermatologues m’ont raconté des récits semblables – qu’elles ajoutent une journée de télésanté par semaine pour travailler de la maison, que le confinement et l’école à la maison les ont aidées à se rapprocher de leurs enfants ou que leur attitude est plus positive depuis qu’il y a moins de patients dans leur clinique. La Dre Angela Law entend continuer à planifier des rendez-vous de 15 minutes, la pandémie ayant amélioré les relations avec ses patients et rehaussé le moral du personnel. La Dre Jori Hardin a noté que la réduction des activités parascolaires de ses enfants et l’augmentation substantielle des moments en famille ont contribué à son bien-être. Elle souhaite qu’il en demeure ainsi une fois la pandémie terminée. Ces anecdotes illustrent que l’adoption sélective de certains aspects de notre « nouveau » monde professionnel pourrait conduire à notre mieux-être mental.

Nous avons tous été touchés d’une manière ou d’une autre par la pandémie de COVID-19. Cet article ne vise pas à banaliser ou minimiser la douleur et la souffrance qui ont affligé un grand nombre de gens au cours des douze derniers mois, mais plutôt à trouver des moyens d’utiliser les modestes enseignements pour améliorer nos façons de faire et, par extension, les soins que nous prodiguons à nos patients. Bonne santé à tous. Soyez heureux, soyez prudents.

Références

1. https://nationalpost.com/opinion/opinion-will-life-soon-return-to-normal

2. Leis M., Fleming P., Lynde CW. JCMS. 2021 Vol. 25(I) 106-108.

3. Plovanich M, Weng QY, Mostaghimi A. Low Usefulness of Potassium Monitoring Among Healthy Young Women Taking Spironolactone for Acne. JAMA Dermatol. 2015 Sep;151(9):941-4. doi: 10.1001/jamadermatol.2015.34. PMID: 25796182

4. Barbieri JS, Shin DB, Wang S, Margolis DJ, Takeshita J. The clinical utility of laboratory monitoring during isotretinoin therapy for acne and changes to monitoring practices over time. J Am Acad Dermatol. 2020 Jan;82(1):72-79. doi: 10.1016/j.jaad.2019.06.025. Epub 2019 Jun 19. PMID: 31228528; PMCID: PMC6911828.

5. Torales J, O’Higgins M, Castaldelli-Maia JM, Ventriglio A. The outbreak of COVID-19 coronavirus and its impact on global mental health. Int J Soc Psychiatry. 2020 Jun;66(4):317-320. doi: 10.1177/0020764020915212. Epub 2020 Mar 31. PMID: 32233719.

6. Liu JJ, Bao Y, Huang X, Shi J, Lu L. Mental health considerations for children quarantined because of COVID-19. Lancet Child Adolesc Health. 2020 May;4(5):347-349. doi: 10.1016/S2352-4642(20)30096-1. Epub 2020 Mar 27. PMID: 32224303; PMCID: PMC7118598.

7. Slizewski DH, Heberlein E, Meredith JF, Jobe LB, Eichelberger KY. Impact of home versus hospital dressing on bacterial contamination of surgical scrubs in the obstetric setting: A randomized controlled trial. Am J Infect Control. 2018 Apr;46(4):379-382. doi: 10.1016/j.ajic.2017.09.009. Epub 2017 Oct 19. PMID: 29056327.

8. Fox JD, Prado G, Baquerizo Nole KL, et al. Patient Preference in Dermatologist Attire in the Medical, Surgical, and Wound Care Settings. JAMA Dermatol. 2016;152(8):913–919. doi:10.1001/jamadermatol.2016.1186