Aller au contenu

À propos de l’auteur

Headshot_Sandre

Matt Sandre, MD, FRCPC

Le Dr Matt Sandre est un dermatologue qui exerce au Canadian Dermatology Centre de Toronto, en Ontario. Il a étudié à l’Université Western Ontario où il a obtenu un baccalauréat spécialisé en sciences médicales. Le Dr Sandre est ensuite retourné à l’Université Western pour obtenir un baccalauréat en sciences infirmières, où il a remporté la médaille d’or de sa cohorte. Il a exercé comme infirmier en urgence pédiatrique et en oncologie pédiatrique avant de fréquenter la faculté de médecine de l’Université McMaster. Il a terminé sa résidence en dermatologie à l’Université de Toronto, où il a été co-résident en chef. En plus de travailler comme dermatologue communautaire, il termine actuellement un stage clinique en chirurgie dermatologique au laser et en dermatologie esthétique.

Actualité Dermatologique au Canada, Volume 2, Numéro 2, Mai 2021

Nouvelles données anatomiques concernant la prévention de la ptose des sourcils associée au traitement par toxine botulinique de type A

Introduction

Selon les statistiques compilées par la base de données nationale de chirurgie esthétique plastique aux États-Unis, les injections de toxine botulinique de type A (BTX-A) ont été la procédure non chirurgicale pratiquée le plus fréquemment en 20201. Entre 2019 et 2020, le nombre d’injections de neurotoxines effectuées aux États-Unis a été multiplié par 1,5, passant de 1 712 994 à 2 643 366 interventions1,2. L’utilisation de la BTX-A dans la partie supérieure du visage est associée à une variation considérable de l’incidence de ptose des sourcils, soit plus de 20 % selon la documentation médico-scientifique3-6. Cette manifestation indésirable n’est pas seulement observée après le traitement au niveau du muscle frontal, puisqu’elle peut également se produire par diffusion accidentelle de la neurotoxine lors du traitement du complexe glabellaire6. Au cours de la dernière année, des publications ont fait état de nouvelles données anatomiques qui permettent d’optimiser le résultat des injections et de réduire le risque de ptose des sourcils lors des injections de BTX-A au niveau du front ou du sillon intersourcillier7-9. Le présent article a pour objectif de résumer trois de ces publications, car elles pourraient avoir des répercussions positives sur le résultat des injections dans la pratique quotidienne du clinicien.  

La ligne de convergence

Puisque le muscle frontal est le seul muscle qui permet de relever les sourcils, les personnes qui administrent des injections de BTX-A dans cette région du visage doivent procéder avec prudence pour éviter les risques de ptose des sourcils. Pour réduire ce risque au minimum, il est recommandé d’axer le traitement sur la partie supérieure du muscle frontal, malgré le manque de données probantes pour expliquer pourquoi cette façon de procéder permet d’obtenir un résultat clinique plus désirable7-10. 

En 2020, l’étude de Cotofana, et al. a contribué à faire la lumière sur ce phénomène clinique en présentant le concept de la ligne de convergence (ligne C)7. Vingt-sept volontaires en santé (11 hommes et 16 femmes) d’un âge moyen de 37,5 ± 13,7 ans (fourchette de 22 à 73 ans) et de diverses ascendances ethniques (14 Caucasiens, 4 Afro-Américains, 3 Asiatiques et 6 personnes d’origine moyen-orientale) ont fait analyser le modèle de mouvement de leur front lors de l’élévation des sourcils. La hauteur moyenne du front était de 65 + 8,1 mm chez les hommes et de 53,4 + 9,2 mm chez les femmes. Le nombre médian de rides horizontales au niveau de front, sans égard au genre du sujet, était de quatre7.

Figure 1 : Emplacement approximatif et déplacement de la ligne de convergence, gracieuseté de Matthew Sandre, MD

Les chercheurs ont observé que tous les patients présentaient un mouvement bimodal de la peau au niveau du front, avec élévation des sourcils et dépression de la lisière des cheveux. La ligne C était le nom donné à la ligne horizontale stable au niveau du front. La position de la ligne C se trouverait à environ 60 % de la hauteur totale du front lors du déplacement vers le haut à partir des sourcils. Cet emplacement correspondait également à la deuxième ligne du front lorsque l’on tient compte de la direction inférieure de la lisière des cheveux (Figure 1). Fait intéressant, aucune variation statistiquement significative n’a été observée selon le genre et l’origine ethnique7.

Cet article a permis d’élucider le rôle du muscle frontal et de son mouvement bidirectionnel. Il semble que la partie inférieure de ~60 % est celle qui est en cause pour relever les sourcils, tandis que la partie supérieure de ~40 % abaisserait la lisière des cheveux. 

Sur le plan clinique, le concept de la ligne C peut contribuer à réduire le risque de ptose des sourcils en rappelant aux personnes qui effectuent les injections d’utiliser une dose plus faible dans les 60 % inférieurs du front, le cas échéant.

Profondeur de l’injection lors du traitement au muscle du front

De même, les cliniciens doivent également tenir compte de la profondeur de l’injection lors d’un traitement au niveau du front afin de minimiser le risque de ptose des sourcils. Il a déjà été démontré que les injections superficielles ou cutanées de BTX-A au niveau du front sont associées à une diminution du nombre de ptoses des sourcils, comparativement aux injections plus profondes ou intramusculaires8,11,12. Une étude interventionnelle prospective, dont les conclusions ont été publiées récemment, a évalué la profondeur des injections de BTX-A et les résultats obtenus sur des rides horizontales au front chez des sujets dont le visage avait été divisé verticalement en deux8. Les résultats ont démontré qu’une technique d’injection en profondeur mixte tient compte de l’anatomie faciale du front et peut conduire à un meilleur résultat esthétique8.

Quatorze patients dont l’âge moyen était de 35,71 (7,8) ans et dont l’indice corporel moyen était de 21,9 (3,0) kg/m2 ont reçu un traitement par abo-BTX-A au niveau du front. Le traitement consistait en 8 points d’injection par muscle du front (4 de chaque côté) disposés de façon à créer un reflet exact de chaque côté du visage. La dose injectée variait d’un patient à l’autre compte tenu de l’activité au niveau du muscle

frontal. La dose moyenne était de 25,73 UI d’abo-BTX-A. Un côté du visage a été traité avec des injections superficielles afin d’administrer le produit à la surface du muscle frontal. Cette injection a été administrée en plaçant l’aiguille à un angle de 45 degrés, de façon à produire une bulle sous-cutanée avec le produit injecté. Le côté controlatéral a été traité avec des injections profondes administrées perpendiculairement à la surface de la peau pour déposer le produit dans le plan sus-périosté. Cette profondeur a été confirmée par les personnes qui administraient les injections lorsqu’elles ont entendu un « clic » pour indiquer qu’elles avaient franchi le fascia subfrontal8.

Le succès du traitement a été évalué par le médecin et par deux observateurs indépendants selon une échelle de gravité linéaire au niveau du front (0 à 4) après 14 jours et après 30 jours. Les résultats ont révélé que les injections profondes produisent un meilleur résultat, car elles ont réduit la gravité linéaire à l’horizontale au niveau du front au 14e et au 30e jour, par rapport au côté controlatéral traité par injections plus superficielles de BTX-A8.  Aucune ptose des sourcils ou des paupières n’a été observée avec l’une ou l’autre des techniques d’injection.

Sur le plan anatomique, l’injection superficielle place le BTX-A au-dessus du fascia supra-frontal qui agit ainsi comme une barrière partielle entre le produit et le muscle frontal8,13. En revanche, non seulement les injections perpendiculaires profondes placent-elles le produit en profondeur par rapport au fascia subfrontal, elles créent également un canal vertical qui permet au BTX-A de s’écouler vers le bas et donc entrer en contact direct avec le muscle frontal8. L’étude de Davidovic, et al. a souligné que cet écoulement vers le bas a également été documenté précédemment en utilisant des charges ayant différentes propriétés viscoélastiques14-16.

Les injections au-dessus de la ligne C (soit dans la portion supérieure de 40 % du front) peuvent être injectées en profondeur afin d’aider à maximiser l’effet neurotoxique au niveau du muscle frontal. Par contre, les injections de BTX-A sous la ligne C, ou dans les zones où l’on souhaite alléger l’effet sur l’activité du muscle front, peuvent être administrées plus superficiellement afin de réduire le risque de ptose des sourcils8.

Technique d’injection en 3 points dans la région glabellaire

Les techniques d’injection dans la région glabellaire varient souvent d’un praticien à l’autre en fonction de variables telles que les préférences de la personne qui administre l’injection, les résultats souhaités par le patient et les schémas de contraction de la glabelle9,17-20.

De nombreuses techniques d’injection ciblent à la fois la partie médiale et la partie latérale du muscle corrugateur du sourcil, et l’emplacement de ces points d’injection peut occasionnellement permettre au produit de se propager aux fibres de la partie inférieure du muscle frontal, ce qui augmente le risque de ptose des sourcils9,17,18. 

Un article publié récemment a démontré l’utilité clinique d’une technique d’injection en 3 points dans la région glabellaire pour réduire le risque de ptose médiale des sourcils ou de froncement latéral excessif des sourcils, ou « effet de Spock ». L’approche se concentre sur la compréhension de l’anatomie détaillée du muscle corrugateur du sourcil et du muscle pyramidal du nez et le ciblage de leur origine osseuse, ce qui réduit la fréquence des atteintes indirectes dans la partie inférieure du muscle frontal9.

En tout, 105 patients (27 hommes et 78 femmes) dont l’âge moyen était 40,90 ± 9,2 ans ont été recrutés dans les différents centres participants. Une technique d’injection standardisée en 2D et en 3D a été utilisée. Les personnes qui ont administré les injections étaient toutefois autorisées à faire varier le nombre d’unités d’un patient à l’autre et à sélectionner le type de BTX-A utilisé. L’injection dans le muscle pyramidal du nez a été effectuée en utilisant un point d’injection médian à la hauteur verticale d’une ligne reliant les tendons canthals médians. L’aiguille a été insérée perpendiculairement à la peau et le produit a été injecté en profondeur sur l’os. L’injection au muscle corrugateur du sourcil a également été administrée en profondeur sur l’os au niveau du sourcil médial inférieur. L’aiguille a été insérée à un angle de
45 degrés par rapport au plan médian et à l’os frontal.  Aucun point d’injection n’était au-dessus de la ligne des poils sourcilliers9 (Figure 2). 

Figure 2 : Technique d’injection en trois points au niveau du complexe glabellaire; gracieuseté de Matthew Sandre, MD

Une dose moyenne de 5,23 + 2,5 unités de ona-/Inco-BTX-A ou 12,90 + 6,3 unités d’abo-BTX-A a été injectée dans le muscle pyramidal du nez. Une dose moyenne de 13,27 + 5,7 unités
de ona-/Inco-BTX-A ou 33, 17 + 14,2 unités d’abo-BTX-A a été injectée dans le muscle corrugateur du sourcil. Cette technique d’injection a permis de constater une réduction statistiquement significative du score médian des rides glabellaires (score médian avant le traitement = 3; score médian au 14e jour = 0). Aucun cas de ptose des sourcils, de ptose des paupières ou d’effet de « Spock » n’a été signalé. Une augmentation de la hauteur médiane des sourcils de 1,21 + 2,8 mm a également été observée9. 

Sur le plan clinique, cette nouvelle technique en trois points semble pouvoir réduire le risque de ptose des sourcils, tout en permettant d’obtenir une réduction acceptable des rides glabellaires. En outre, la diminution du nombre de sites d’injection réduit considérablement l’inconfort du patient et le risque d’ecchymoses, ce qui est intéressant pour la personne qui administre les injections, tout comme pour les patients. 

Conclusion/Discussion

La demande de procédures esthétiques non chirurgicales continue d’augmenter dans les cabinets de dermatologie et les injections de BTX-A peuvent offrir aux patients une option de traitement efficace pour de nombreux problèmes esthétiques fréquemment rencontrés au niveau du visage. Bien que les injections de BTX-A au niveau du visage présentent un taux de complications relativement faible, les personnes expérimentées dans l’administration de ces injections sont continuellement à la recherche de nouveaux moyens d’optimiser les résultats et de minimiser les risques pour les patients. Cet article résume trois ouvrages publiés récemment dans le but d’élargir nos connaissances anatomiques du front et du complexe glabellaire et de comprendre comment ces connaissances se rapportent aux techniques d’injection de BTX-A. Les cliniciens doivent toutefois être conscients des variations anatomiques et des objectifs esthétiques propres à chaque patient, car ce sont des facteurs dont il faut tenir compte dans nos rapports avec les patients.

Références

1 Surgery TAS for AP, The American Society For Aesthetic Plastic Surgery. Cosmetic (Aesthetic) Surgery National Data Bank Statistics. https://cdn.surgery.org/media/statistics/aestheticplasticsurgerynationaldatabank-2020stats.pdf. Published 2020. Accessed May 9, 2021.

2 Surgery TAS for AP, The American Society For Aesthetic Plastic Surgery. Cosmetic (Aesthetic) Surgery National Data Bank Statistics https://www.surgery.org/sites/default/files/Aesthetic-Society_Stats2019Book_FINAL.pdf. Published 2019. Accessed May 9, 2021.

3 U.S. Food and Drug Administration. BOTOX indications approved FDA. Available at: https://www.accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/label/2011/103000s5232lbl.pdf. Accessed May 9, 2021

4 Monheit G. Neurotoxins: Current concepts in cosmetic useon the face and neck: Upper face (glabella, forehead, and crow’s feet). Plast Reconstr Surg. 2015;136(Suppl):72S–75S.

5 Anido J, Arenas D, Arruabarrena C, et al. Tailored botulinumtoxin type A injections in aesthetic medicine: Consensus panel recommendations for treating the forehead based on individual facial anatomy and muscle tone. Clin Cosmet Investig Dermatol. 2017;10:413–421.

6 Brin MF, Boodhoo TI, Pogoda JM, et al. Safety and tolerability of onabotulinumtoxinA in the treatment of facial lines: A meta-analysis of individual patient data from global clinical registration studies in 1678 participants. J Am Acad Dermatol. 2009;61(6):961-970.

7 Cotofana S, et al. The bidirectional movement of the frontalis muscle: Introducing the Line of Convergence and its potential clinical relevance. Plast Reconstr Surg. 2020;145(5):1155-1162.

8 Davidovic K, et al. To click or not to click – The importance of understanding the layers of the forehead when injecting neuromodulators – A clinical, prospective, interventional, split-face study. J Cosmet Dermatol. 2021;20:1385-1392. 

9 Cotofana S, et al. Respecting upper facial anatomy for treating the glabella with neuromodulators to avoid medial brow ptosis-A refined 3-point injection technique. J Cosmet Dermatol. 2021;00:1-9.

10 King M. Management of ptosis. J Clin Aesthet Dermatol. 2016;9:E1–E4.

11 Kim YJ, Lim OK, Choi WJ. Are there differences between intradermal and intramuscular injections of botulinum toxin on the forehead? Dermatologic Surg. 2020;46(12):e126-e131. 

12 Jun JY, Park JH, Youn CS, Lee JH. Intradermal injection of botulinum toxin: a safer treatment modality for forehead wrinkles. Ann Dermatol. 2018;30(4):458-461. 

13 Knize DM. An anatomically based study of the mechanism of eyebrow ptosis. Plast Reconstr Surg. 1996;97(7):1321-1333. 

14 Pavicic T, Frank K, Erlbacher K, et al. Precision in dermal filling: a comparison between needle and cannula when using soft tissue fillers. J Drugs Dermatol. 2017;16(9):866-872. 

15 Pavicic T, Yankova M, Schenck TL, et al. Subperiosteal injections during facial soft tissue filler injections-Is it possible? J Cosmet Dermatol. 2019;19(3):590-595. 

16 Rosamilia G, Hamade H, Freytag DL, et al. Soft tissue distribution pattern of facial soft tissue fillers with different viscoelastic properties. J Cosmet Dermatol. 2020;19(2):312-320. 

17 Carruthers A, Carruthers J. Prospective, double-blind, randomized, parallel-group, dose-ranging study of botulinum toxin type A in men with glabellar rhytids. Dermatologic Surg. 2006;31(10):1297-1303.

18 Rzany B, Ascher B, Fratila A, Monheit GD, Talarico S, Sterry W. Efficacy and safety of 3-and 5-injection patterns (30 and 50 U) of botulinum toxin A (dysport) for the treatment of wrinkles in the glabella and the central forehead region. Arch Dermatol. 2006;142(3):320-326.

19 Glabelares R, De Almeida RT, Kadunc BV. Glabellar wrinkles: a pilot study of contraction patterns. Surg Cosmet Dermatol. 2010;2(1):23-8.

20 De Almeida A, et al. Glabellar contraction patterns: a tool to optimize botulinum toxin treatment. Dermatol Surg. 2012;38:1506-1515.