Aller au contenu

À propos de l’auteure

Headshot_OToole

Ashley O’Toole, M.D., MHSc, FRCPC

Dre O’Toole est une dermatologiste avec le SKiN Centre for Dermatology à Peterborough, Ontario où elle sert à titre d’investigatrice secondaire pour de multiples essais cliniques. Elle est professeure auxiliaire à l’université Queens et enseigne aux étudiants et aux résidents en médecine.

Après avoir obtenu une maîtrise en sciences de la santé en communication comportementale et en santé à l’Université Ryerson de Toronto, en Ontario, Dre O’Toole a obtenu son diplôme en médecine à l’Université McMaster de Hamilton, en Ontario, et a effectué sa résidence en dermatologie à l’Université d’Ottawa, en Ontario.

Dre O’Toole est l’auteure ou la co-auteure de 15 publications et participe à environ 30 essais cliniques multiples sur la dermatite atopique, le psoriasis, l’alopécie, l’acné et le vitiligo.

Actualité Dermatologique au Canada, Volume 3, Numéro 3, Septembre 2022

Nouvelles tendances en matière d’utilisation d’antihistaminiques en pédiatrie

Au cours des dernières années, l’utilisation des antihistaminiques traditionnels de première génération (AH) a été abandonnée au profit de nouveaux antihistaminiques non sédatifs. Ces antihistaminiques de deuxième et troisième générations sont devenus les piliers du traitement visant à prendre en charge les maladies allergiques. Ils sont largement utilisés en dermatologie dans la prise en charge de l’urticaire ainsi que pour de multiples utilisations hors indications, notamment le prurit, les réactions aux piqûres d’insectes, la mastocytose et d’autres maladies caractérisées par une libération de mastocytes. Ils agissent plus rapidement, sont plus sûrs et plus efficaces que les antihistaminiques sédatifs traditionnels de première génération1,2. Il existe également de plus en plus de preuves en faveur de l’utilisation à long terme des antihistaminiques de nouvelle génération en tant que modificateurs potentiels de la maladie dans le cadre de la marche atopique pédiatrique observée depuis la petite enfance et tout au long de l’enfance.

 

Contexte général

Les antihistaminiques sont une classe de médicaments qui agissent comme des agonistes inverses, en régulant à la baisse l’activation constitutive des récepteurs H1 et H2 de l’histamine3. L’histamine agit sur un large éventail de cellules cibles dans la peau pour stimuler le développement de maladies inflammatoires liées aux allergies3.

Les antihistaminiques de première génération ont été introduits au cours des années 1940. Ces agents, tels que la diphénhydramine (Benadrylâ) and hydroxyzine (Ataraxâ), ont une faible sélectivité pour les récepteurs et se lient de manière non spécifique aux récepteurs muscariniques, sérotoninergiques et α-adrénergiques, ainsi qu’aux canaux K+ cardiaques, ce qui entraîne plusieurs effets indésirables intolérables et potentiellement mortels4.

Les AH de première génération, plus anciens, exercent des effets secondaires anti-cholinergiques importants et fréquents, notamment : sédation, troubles cognitifs, mauvaise qualité du sommeil, sécheresse buccale, étourdissements, hypotension orthostatique et coma3. Les effets indésirables cardiaques, notamment l’allongement de l’intervalle QT, les torsades de pointes ainsi que la toxicité cardiaque, constituent une préoccupation croissante lors de l’utilisation des AH de première génération. Malgré ces preuves, les AH de première génération continuent d’être sur-utilisés en raison de leur facilité d’accès, ces médicaments étant disponibles en vente libre et ayant accumulé une longue histoire d’utilisation. De nombreux experts estiment qu’ils ne devraient être utilisés qu’en dernier recours et qu’ils ne devraient éventuellement être disponibles en pharmacie que derrière le comptoir4.

Au Canada cependant, des enquêtes en ligne menées auprès de médecins et de pharmaciens montrent que Benadryl© (diphénhydramine) reste l’antihistaminique le plus recommandé pour les symptômes allergiques chez les enfants au cours de chacune des sept dernières années5. Ce paradoxe a conduit à une prise de position de la Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique (SCACI), qui affirme que « les antihistaminiques H1 de nouvelle génération sont plus sûrs que les antihistaminiques H1 de première génération, et devraient constituer les antihistaminiques de première ligne pour le traitement de la rhinite et de l’urticaire allergiques4 ».

Pharmacocinétique

Des essais de haute qualité ont démontré que les AH de nouvelle génération présentent une innocuité supérieure à celle des AH de première génération. En moyenne, les agents les plus récents apportent également une amélioration en termes d’activité, d’efficacité et de durée d’action1,2. Ces agents ont également un indice thérapeutique élevé (rapport entre la dose toxique minimale et la dose thérapeutique minimale)3. En réalité, de nombreux cliniciens utilisent des antihistaminiques de nouvelle génération à une dose double, triple et même quadruple de la dose mentionnée dans la notice pour certaines indications (p. ex. urticaire chronique spontanée) avec une efficacité et une tolérance excellentes6.

Tableau I : Antihistaminiques actuels3

Le début d’action perçu comme plus rapide pour les anciens AH est souvent cité comme une raison incitant les patients et les cliniciens à choisir les médicaments de première génération; or, cette perception s’est avérée inexacte dans les études cliniques7. Dans une étude en double aveugle, contrôlée contre placebo, tant la cétirizine que la loratadine se sont révélées avoir un délai d’action plus rapide, ainsi qu’une activité plus élevée et une durée d’action plus longue, par rapport à la chlorphéniramine8.

Traitement pédiatrique précoce

Un nombre croissant de recherches soutiennent l’innocuité et l’efficacité à court et à long terme des antihistaminiques de nouvelle génération au sein des populations pédiatriques. Plusieurs études de recherche de dose et d’innocuité ainsi que des études interventionnelles ont été menées avec succès chez des patients plus jeunes que la tranche d’âge actuellement approuvée. Des données probantes étayent également le rôle joué par les antihistaminiques en tant que thérapie interventionnelle dans la progression de la « marche atopique ». La marche atopique a été décrite comme impliquant la progression de maladies allergiques ayant des facteurs de prédisposition génétiques et environnementaux communs, et partageant la caractéristique immunologique d’une ou plusieurs réponses de lymphocytes de type 2 (Th2) spécifiques de l’allergène. Il est important de noter que la présence d’une maladie allergique augmente le risque de développer d’autres affections, d’où la caractéristique additive de la marche atopique. Traditionnellement, la marche atopique débute par la dermatite atopique (DA) et évolue vers l’allergie alimentaire induite par les IgE, l’asthme et la rhinite allergique. Chacune de ces affections est caractérisée par une physiopathologie complexe impliquant de multiples composants du système immunitaire9.

L’innocuité de la cétirizine chez les nourrissons âgés de 6 à 11 mois a été étudiée dans le cadre d’un essai randomisé, en double aveugle et contrôlé par placebo14. Les nourrissons ont été randomisés pour recevoir 0,25 mg/kg de cétirizine par voie orale ou un placebo correspondant deux fois par jour, par voie orale, pendant une semaine. Les résultats n’ont montré aucune différence en termes d’effets indésirables liés au traitement entre le groupe cétirizine et le groupe placebo (y compris l’intervalle QT). Une tendance à une diminution des effets indésirables et des troubles du sommeil a été observée dans le groupe cétirizine, par rapport au groupe placebo.

L’étude ETAC (Early Treatment of the Atopic Child) est un essai multinational, en double aveugle, randomisé, contrôlé par placebo, portant sur 817 nourrissons ayant des antécédents de maladie atopique chez un parent ou un frère/une sœur, qui ont été traités pendant 18 mois soit par la cétirizine (0,25 mg/ kg deux fois par jour), soit par un placebo afin de déterminer si une intervention précoce dans la marche atopique peut prévenir la progression de la dermatite atopique vers l’asthme et la rhinite allergique. 

Figure 1 : La marche atopique13

Les chercheurs ont formulé l’hypothèse que les propriétés antiallergiques des nouveaux antihistaminiques exercent un effet favorable sur le développement de l’inflammation des voies respiratoires et de l’asthme chez les nourrissons atteints de dermatite atopique15. Le nombre de nourrissons ayant développé de l’asthme s’est avéré inférieur dans le groupe traité à la cétirizine pour les sujets ayant été sensibilisés aux pollens ou aux acariens. L’utilisation de la cétirizine s’est avérée sûre, avec une faible incidence d’effets indésirables observée sur la période de 18 mois. Les auteurs concluent que le traitement antihistaminique est une stratégie d’intervention pharmacologique primaire visant à prévenir le développement de l’asthme chez les nourrissons spécifiquement sensibilisés souffrant de dermatite atopique.

La conclusion de l’étude ETAC a été confirmée par une récente revue Cochrane, qui a évalué l’efficacité des antihistaminiques H1 oraux en tant que thérapie d’appoint au traitement topique de l’eczéma, soulignant que la cétirizine était associée à moins d’effets secondaires et nécessitait moins d’antihistaminiques H1 supplémentaires en cas de poussée d’eczéma, par rapport aux autres antihistaminiques utilisés en traitement d’appoint16.

Une étude similaire (EPACC — Early Prevention of Asthma in Atopic Children) a évalué la lévocétirizine 0,125 mg/kg par rapport au placebo deux fois par jour pendant 18 mois chez 510 enfants atopiques âgés de 12 à 24 mois17. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés ont été une infection des voies respiratoires supérieures, des symptômes transitoires de gastro-entérite ou des exacerbations de maladies allergiques. Aucune différence significative n’a été constatée entre les groupes de traitement en termes de taille, de masse, d’atteinte des étapes de développement et de tests de laboratoire. À nouveau, un bénéfice a été observé dans le groupe de traitement pour la prévention de l’asthme et de la rhinite allergique.

Les AH de première génération peuvent être utilisés occasionnellement pour leurs propriétés sédatives et somnifères. Cependant, il existe des effets indésirables potentiels préoccupants, notamment un effet de « gueule de bois » le lendemain de la prise, une altération de la vigilance, de l’attention divisée, de la mémoire de travail, des performances sensitives et motrices, ainsi qu’une réduction du temps de latence du sommeil diurne11. Les AH plus anciens ont également été associés à une diminution des résultats de performances scolaires. Par exemple, les étudiants présentant des symptômes de rhinite allergique étaient 40 % plus susceptibles de perdre un point entre les tests d’entraînement et les examens finaux et 70 % plus susceptibles de perdre un point s’ils déclaraient avoir pris des AH sédatifs plus anciens12.

En revanche, le groupe ETAC a évalué l’impact de l’utilisation à long terme de la cétirizine sur le développement comportemental, cognitif et psychomoteur de très jeunes enfants atteints de dermatite atopique18. Des mesures bien validées du comportement (Behaviour Screening Questionnaire, ou questionnaire évaluant le comportement) et de la faculté cognitive (McCarthy Scales of Children’s Abilities, ou échelles de McCarthy évaluant les capacités des enfants) pour des patients âgés de 32 à 53 mois, traités par 0,25 mg/kg de cétirizine deux fois par jour pendant 18 mois, ont été utilisées dans cette analyse. Aucune différence significative n’a été observée entre la cétirizine et le groupe placebo sur le plan des résultats comportementaux ou cognitifs ou des étapes psychomotrices pendant ou après le traitement de l’étude18. Ces résultats suggèrent que l’utilisation prolongée de la cétirizine chez les jeunes enfants atteints de dermatite atopique n’est pas associée à d’effets indésirables sur le comportement ou les processus d’apprentissage.

Conclusions

Malgré la disponibilité généralisée des AH de nouvelle génération, les AH plus anciens restent sur-utilisés. Il est prouvé que les AH de nouvelle génération sont nettement plus sûrs que les AH de première génération, qu’ils agissent plus rapidement et qu’ils présentent une activité, une sélectivité et une efficacité supérieures. Il existe également de plus en plus de preuves en faveur de l’innocuité et de l’efficacité à long terme de ces AH, ainsi que leur rôle interventionnel et potentiel dans la marche atopique.

Références 

  1. Simons FE, Simons KJ, et al. Antihistaminique H1 intranasal In: Adkinson JN, et al., editors. Middleton’s allergy principles and practice. Elsevier Saunders: Philadelphia; 2014. pp. 1503–1533. 
  2. Simons FE, Simons KJ. Histamine and H1-antihistamines: celebrating a century of progress. J Allergy Clin Immunol. 2011;128(6):1139–1150. doi: 10.1016/j.jaci.2011.09.005.
  3. Isaacs MJ, Tharp MD. Antihistamines. In: Wolverton S, Wu J. Comprehensive Dermatologic Drug Therapy (Fourth Edition). Elsevier. 2021, 349-357.
  4. Fein MN, Fischer DA, O’Keefe AW, Sussman GL. CSACI position statement: Newer generation H1-antihistamines are safer than first-generation H1-antihistamines and should be the first-line antihistamines for the treatment of allergic rhinitis and urticaria. Allergy Asthma Clin Immunol. 2019 Oct 1;15:61. doi: 10.1186/s13223-019-0375-9. PMID: 31582993; PMCID: PMC6771107.
  5. The Medical Post OTC Survey: canadianhealthcarenetwork.ca, 2019. http://www.canadianhealthcarenetwork.ca/microsites/otc2019/pharmacists/product_06.php. Accessed 15 Sept 2019.
  6. Zuberbier T, Abdul Latiff AH, Abuzakouk M, Aquilina S, Asero R, Baker D, Ballmer-Weber B, et al. The international EAACI/GA²LEN/EuroGuiDerm/APAAACI guideline for the definition, classification, diagnosis, and management of urticaria. Allergy. 2022 Mar;77(3):734-766. doi: 10.1111/all.15090. Epub 2021 Oct 20. PMID: 34536239.
  7. Jones DH, Romero FA, Casale TB. Time-dependent inhibition of histamine-induced cutaneous responses by oral and intramuscular diphenhydramine and oral fexofenadine. Ann Allergy Asthma Immunol. 2008;100(5):452–456. doi: 10.1016/S1081-1206(10)60470-X. [
  8. Simons FE, McMillan JL, Simons KJ. A double-blind, single-dose, crossover comparison of cetirizine, terfenadine, loratadine, astemizole, and chlorpheniramine versus placebo: suppressive effects on histamine-induced wheals and flares during 24 hours in normal subjects. J Allergy Clin Immunol. 1990;86(4 Pt 1):540–547. doi: 10.1016/0091-6749(90)90091-H. 
  9. Hill, David A., and Jonathan M. Spergel. “The atopic march: critical evidence and clinical relevance.” Annals of Allergy, Asthma & Immunology 120.2 (2018): 131-137.
  10. World Allergy Organization Anaphylaxis Guidance 2020. Cardona, Victoria et al. World Allergy Organization Journal, Volume 13, Issue 10, 100472
  11. Boyle J, et al. Allergy medication in Japanese volunteers: treatment effect of single doses on nocturnal sleep architecture and next day residual effects. Curr Med Res Opin. 2006;22(7):1343–51.
  12. Walker S, et al. Seasonal allergic rhinitis is associated with a detrimental effect on examination performance in United Kingdom teenagers: case-control study. J Allergy Clin Immunol. 2007;120(2):381–7.
  13. Bolognia J, Schaffer J, Cerroni L. Dermatology. In: 4th ed. Elsevier Inc; 2018. p. 212–4.
  14. Simons FER, Silas P, Portnoy JM, Catuogno J, Chapman D, Olufade AO. Safety of cetirizine in infants 6 to 11 months of age: a randomized, double-blind, placebo-controlled study. J Allergy Clin Immunol. 2003 Jun;111(6):1244-8.
  15. ETAC. Allergic factors associated with the development of asthma and the influence of cetirizine in a double-blind, randomised, placebo-controlled trial: first results of ETAC. Early Treatment of the Atopic Child. Pediatr Allergy Immunol. 1998 Aug;9(3):116-24.
  16. Matterne U, Böhmer MM, Weisshaar E, Jupiter A, Carter B, Apfelbacher CJ. Oral H1 antihistamines as ‘add-on’ therapy to topical treatment for eczema. Cochrane Database Syst Rev. 2019;1:CD012167.
  17. Early Prevention of Asthma in Atopic Children (EPAAC) Study Group. Safety of levocetirizine treatment in young atopic children: An 18-month study. Pediatr Allergy Immunol. 2007
  18. Stevenson J, Cornah D, Evrard P, Vanderheyden V, Billard C, Bax M, Van Hout A; ETAC Study Group. Long-term evaluation of the impact of the h1-receptor antagonist cetirizine on the behavioral, cognitive, and psychomotor development of very young children with atopic dermatitis. Pediatr Res. 2002 Aug;52(2):251-7. doi: 10.1203/00006450-200208000-00018. PMID: 12149503.