À propos de l’auteur

Matthew Karpman, MD, FRCPC
Le Dr Matthew Karpman est un dermatologue agréé qui exerce à Edmonton, sa ville natale. Il a obtenu son diplôme en médecine à l’Université de Calgary avant de poursuivre sa résidence à l’Université de la Colombie-Britannique. Il est actuellement affilié à la division de dermatologie de l’Université de l’Alberta et est un ardent défenseur de nombreux aspects de la profession médicale.
Actualité Dermatologique au Canada, Volume 1, Numéro 2, Avril 2020
Options Thérapeutiques en Présence de Granulomes Annulaires
Les quelques paragraphes consacrés au granulome annulaire (GA) dans les manuels classiques de dermatologie ne rendent pas justice au volume de consultations cliniques de la part de patients qui en sont atteints. L’épidémiologie du GA est telle que cette affection touche les patients de tout âge. Le diagnostic de granulome localisé s’applique habituellement à des patients âgés de moins de 30 ans. L’incidence est plus élevée chez les femmes, avec un rapport de 2,3 à 1,0, que chez les hommes1. Environ 15 % de tous les patients atteints de granulome annulaire présentent plus de 10 lésions (c’est-à-dire un granulome annulaire disséminé). Ces patients sont généralement des enfants de moins de 10 ans ou des adultes de plus de 40 ans. Bien que peu fréquents, des cas de granulome annulaire ont été signalés chez des frères et sœurs, des jumeaux ou des générations successives2. Des pics saisonniers de granulome annulaire ont également été signalés au printemps et à l’automne3. La durée des éruptions cutanées varie d’une personne à l’autre. Chez plus de la moitié des patients, cette affection se résout d’elle-même sur une période variant de 2 mois à 2 ans. Les cas de granulomes annulaires disséminés peuvent toutefois durer de 3 à 4 ans, voire jusqu’à 10 ans dans certains cas. Les éruptions peuvent également se manifester à nouveau, puisque 40 % des enfants présentent des lésions récurrentes4.
Par conséquent, les dermatologues doivent passer au crible une quantité phénoménale de données probantes publiées antérieurement ou recourir à un traitement qui s’est déjà avéré efficace chez leurs propres patients. La rareté des données cliniques de qualité pourrait également être attribuable au fait que cette affection se résorbe d’elle-même, ce qui pourrait faire gonfler les résultats positifs des traitements concomitants. Quelles sont alors les options thérapeutiques à notre disposition?
Cette granulomatose cutanée non infectieuse est associée à un large éventail de manifestations cliniques. La variante la plus courante est la forme localisée, caractérisée par des plaques annulaires rose-brun qui sont souvent présentes sur le dos des mains ou les pieds (figure 1).
Bien que le GA localisé se manifeste d’abord sous la forme de quelques papules groupées en anneau, les patients tentent souvent de trouver un traitement lorsqu’ils constatent une propagation centrifuge des plaques. Les termes GA « généralisé » et « disséminé » sont utilisés de façon interchangeable dans la documentation médicale et sont habituellement définis par la présence de plus de 10 papules ou plaques sur le corps. Parmi les autres morphologies rares, citons les variantes sous-cutanées ou perforantes et les plaques cutanées. Le GA peut souvent être reconnu cliniquement. En cas de doute, la confirmation pathologique demeure toutefois un outil précieux.
Pour des raisons pratiques, les traitements peuvent être subdivisés en traitements optimisés en présence d’une forme localisée ou généralisée de la maladie. De nombreuses options thérapeutiques ont été décrites. Une seule étude contrôlée avec répartition aléatoire menée auprès de 8 patients a été effectuée à ce jour. Cette étude a révélé que la solution sursaturée d’iode de potassium n’était pas plus efficace qu’un placebo5. Ce résultat n’a probablement pas vraiment d’utilité sur le plan clinique, compte tenu de l’accès limité et de l’utilisation restreinte de ce traitement par la plupart des dermatologues. Pour les traitements cutanés appliqués localement, les agents les plus couramment utilisés sont les corticostéroïdes topiques. Malgré le peu de données probantes, la facilité d’application et le profil d’innocuité favorable de ces agents, ainsi que les conseils appropriés, font en sorte que les patients tolèrent bien ce traitement de premier recours. En raison de leur efficacité, les puissants corticostéroïdes topiques de classe I sont le traitement privilégié. Selon la partie du corps en cause, il peut d’envisager le recours à un traitement par tacrolimus ou pimécrolimus topique. Des rapports font également état de l’efficacité du traitement par dapsone topique6.
L’administration intralésionnelle de triamcinolone, à raison de 5 mg/ml, est une autre option thérapeutique couramment utilisée et efficace. Une résolution a été observée chez près de 70 % des patients traités par triamcinolone, comparativement à seulement 44 % chez ceux qui ont reçu des injections de solution saline normale7. La cryochirurgie, soit l’application d’azote liquide sur les papules érythémateux ou le rebord annulaire des plaques actives, est une autre option thérapeutique. La plupart des rapports anecdotiques proposent un cycle de gel-dégel variant de 10 à 60 secondes. La durée est toutefois tributaire du risque de formation d’ampoules et de cicatrices. Lorsque je présente les options thérapeutiques aux patients, j’ai constaté qu’il était tout à fait logique de parler d’une progression qui va de la simple application d’un corticostéroïde topique à l’administration intralésionnelle d’un corticostéroïde. Pour cette raison, jusqu’à maintenant, j’ai obtenu plus de succès chez les patients traités par administration intralésionnelle de triamcinolone que chez ceux traités par cryothérapie.
Une maladie réfractaire au traitement ou plus disséminée justifie l’examen d’options thérapeutiques systémiques. La photothérapie est le traitement qui est décrit le plus souvent. Une rémission totale ou partielle a été observée chez jusqu’à 70 % des patients traités par NbUvB8. Malgré le succès du traitement par NbUVB chez de nombreux patients que j’ai traités avec succès par NbUVB, la récurrence pose toujours un problème et le besoin d’un traitement d’entretien au long court est réel. Nous ne disposons d’aucune ligne directrice de pratique clinique pour mettre fin au traitement par photothérapie chez les patients atteints de GA. Il faut donc recourir à des congés thérapeutiques pour déterminer si une amélioration durable a été obtenue ou non. Les inconvénients associés à la photothérapie ou le manque d’accessibilité à cette option thérapeutique constituent également des obstacles pour certains patients et devraient être pris en compte au moment du choix du traitement. Outre les traitements topiques et oraux, les options thérapeutiques par tubes fluorescents émettant une haute énergie (UVA1) ou par psoralène ultraviolet A (PUVA) font également l’objet d’une description qui pourrait s’avérer utile pour les personnes qui ont accès à ces technologies. Pour en savoir plus au sujet des options thérapeutiques pouvant être utilisées dans le traitement des patients atteints de GA généralisé, veuillez consulter le tableau 1 qui résume les principales études dans ce domaine.
Plusieurs traitements administrés par voie orale peuvent être utilisés chez les patients qui nécessitent un traitement supplémentaire. L’efficacité de l’hydroxychloroquine, à raison de doses variant de 200 mg à 400 mg par jour, a été démontrée, bien que la réponse cutanée ne se manifeste souvent pas avant 3 à 6 mois ou plus9. L’expérience m’a démontré qu’il est important d’expliquer aux patients que la réaction cutanée du traitement par hydroxychloroquine n’est pas immédiate et que nous ne disposons d’aucun paramètre clinique adéquat concernant l’arrêt du traitement. Malgré une résolution marquée chez 2 patients traités par hydroxychloroquine, d’autres patients ont cessé le traitement après plusieurs mois parce qu’ils n’avaient observé aucune réponse. Conseiller des patients et créer des attentes réalistes concernant la durée du traitement ne sont pas des tâches faciles, puisque la période de temps qui s’écoule avant qu’une réponse puisse être observée varie d’un patient à l’autre. Jusqu’à maintenant, j’adapte la durée du traitement d’un patient en fonction de sa motivation à obtenir une peau claire. Si un patient n’a toujours pas remarqué une réaction cutanée après 6 mois de traitement et qu’il n’est plus motivé pour continuer de prendre des médicaments par voie orale, j’interromps généralement le traitement.
L’isotrétinoïne est une autre option thérapeutique et des rapports proposent une dose initiale de 40 mg par jour. L’avantage de ce traitement est que des résultats peuvent être observés après 1 mois10. J’ai demandé à plusieurs patients d’essayer ce médicament, et un bon nombre d’entre eux ont rapidement observé une réponse. Malheureusement, plusieurs patients dont l’état s’était amélioré ont fait une rechute après l’arrêt du traitement par isotrétinoïne. La perspective de ressentir à nouveau des effets secondaires mucocutanés a été un obstacle à la réinstauration de cette option thérapeutique autrement porteuse de promesses.
Puisque la doxycycline est déjà utilisée chez les patients atteints d’une maladie inflammatoire de la peau, de nombreux dermatologues se sentent prédisposés à essayer ce traitement, à raison de 100 mg par jour, pour éliminer les GA. Le mode d’action est probablement associé à l’effet anti-inflammatoire de ce médicament. Mais, étant donné les similitudes pathologiques entre les GA et les granulomes infectieux, les chercheurs ont émis l’hypothèse qu’une étiologie infectieuse inconnue pourrait être en cause dans les GA. Le facteur qui restreint le recours à l’utilisation d’un antibiotique est la durée du traitement dans le cadre d’un effort visant à contrôler la résistance aux antimicrobiens, mais le profil d’innocuité associé à son utilisation mérite d’être pris en considération. Les études portant sur la durée moyenne du traitement sont peu nombreuses, tout comme mon expérience personnelle en matière d’utilisation au long cours chez les patients atteints de GA.
Enfin, une nouvelle frontière intéressante dans le traitement des patients atteints de GA comprend les médicaments biologiques, notamment les agents anti-TNF α utilisés le plus souvent. Il faut toutefois prendre note du fait que le coût d’utilisation hors indication de ces médicaments biologiques représente un obstacle majeur pour la plupart des patients au Canada. Tout en tenant toujours compte de l’accès à ces médicaments et de leur coût, des améliorations ont été observées dans un délai d’à peine 2 à 6 semaines. Par ailleurs, les examens de suivi indiquent que l’efficacité de ces traitements persiste11,12.
En bref, le choix du traitement devrait reposer sur une combinaison de facteurs, notamment l’efficacité clinique et les préférences du patient. Bien entendu, puisque les GA ne sont associés à aucune complication systémique connue, l’observation est également une option chez les patients qui refusent le traitement. En général, les corticostéroïdes topiques très puissants constituent un point de départ thérapeutique intéressant, suivi d’une administration intralésionnelle de triamcinolone ou d’un traitement par cryothérapie chez les patients qui sont plus motivés par les résultats. Si l’efficacité recherchée n’est pas atteinte ou si la manifestation des GA est plus généralisée, le traitement par NbUVB est probablement l’option thérapeutique la plus efficace et la plus facile à administrer, si elle est disponible. On peut également utiliser l’hydroxychloroquine et l’isotrétinoïne chez les patients appropriés après avoir exploré avec eux leurs attentes en matière d’amélioration et d’effets secondaires potentiels. Avec l’arrivée d’un plus grand nombre de produits biologiques sur le marché et la réduction des coûts, il sera intéressant d’évaluer si l’utilisation hors indication d’agents anti-TNF α ou d’autres immunomodulateurs deviendra une option thérapeutique courante à l’avenir.
References
1. Dahl MV. Granuloma annulare. In: Fitzpatrick TB, Eisen AZ, Wolff K, Freedberg IM, Austin KF, eds. Dermatology in General Medicine. 6th ed. New York, N.Y.: McGraw-Hill, 2003:980–4.
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3. McLelland J, Young S, Marks JM, Lawrence CM. Seasonally recurrent granuloma annulare of the elbows. Clin Exp Dermatol. 1991;16: 129–30
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10. Schleicher SM, Milstein HJ. Resolution of disseminated granuloma annulare following isotretinoin therapy. Cutis. 1985;36(2):147–8.
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12. Min, Michelle S., and Mark Lebwohl. “Treatment of recalcitrant granuloma annulare (GA) with adalimumab: a single-center, observational study.” Journal of the American Academy of Dermatology 74.1 (2016): 127-133.