À propos de l’auteur

Dorota Kadlubowska, BSc, MDCM, FRCPC
La Dre Dorota Kadlubowska est dermatologue au SKiN Centre for Dermatology de Cobourg, en Ontario, et à la SKiN Laser Clinic de Peterborough, en Ontario. Elle a une pratique médicale et cosmétique mixte, et fait également office de sous-investigatrice pour des essais cliniques. Elle a terminé ses études de médecine et sa résidence en dermatologie à l’Université McGill, puis a poursuivi sa formation dans une sous-spécialité à l’Université de Toronto où elle a obtenu une bourse d’un an pour étudier la chirurgie dermatologique au laser et la dermatologie esthétique.
Actualité Dermatologique au Canada, Volume 1, Numéro 2, Avril 2020
Technique d’administration Sécuritaire des Injections d’acide Désoxycholique aux fins de Réduction de la Graisse Sous-mentonnière
Introduction
Le remodelage du corps gagne en popularité dans le monde de l’esthétique, car de nombreux patients optent pour des traitements non chirurgicaux pour réduire la graisse et améliorer leur apparence. Avant 2015, les patients qui cherchaient une amélioration cosmétique pour réduire la graisse sous-mentonnière (GSM) subissaient habituellement une liposuccion au menton. En 2015, Santé Canada et la FDA, l’office de réglementation des aliments et des médicaments aux États-Unis, ont homologué l’utilisation de l’acide désoxycholique pour réduire la rondeur modérée ou importante associée à la graisse sous-mentonnière. L’acide désoxycholique (BELKYRAMC, Allergan, Madison, NJ) est un traitement injectable minimalement invasif pour la réduction non chirurgicale des tissus adipeux sous-mentonniers.
C’est un acide biliaire synthétique qui agit sur les adipocytes en émulsifiant les graisses. Après l’injection dans la graisse sous-mentonnière, elle perturbe les membranes plasmiques et induit la destruction des cellules adipeuses. Il s’ensuit une réaction inflammatoire, suivie d’une réduction subséquente de la graisse. L’enflure peut prendre jusqu’à une semaine pour se résorber. Le remodelage des tissus s’étend ensuite sur plusieurs mois. Lors de l’un des premiers essais contrôlés avec répartition aléatoire des sujets comparant l’acide désoxycholique à un placebo, entre 64 et 69 % des patients (n = 360) étaient très satisfaits de l’apparence de leur visage et de leur menton selon l’échelle d’auto-évaluation par le sujet (score SSRS ≥ 4) après quatre traitements, comparativement à 29 % dans le groupe de sujets ayant reçu un placebo (P < 0,001)2. L’injection d’acide désoxycholique peut être un ajout sûr et efficace à l’arsenal cosmétique du dermatologue, tout en offrant un taux élevé de satisfaction de la part des patients.
La première partie du présent article traitera des préoccupations relatives à l’innocuité du traitement par acide désoxycholique, en soulignant d’abord les effets indésirables observés couramment, puis les effets secondaires rares qui ont été signalés dans des rapports de cas et des études portant sur des séries de cas. La deuxième partie de l’article passe en revue la sélection des patients, les considérations anatomiques et les techniques d’injection qui permettent d’obtenir un résultat sûr.
Effets indésirables associés à l’injection d’acide désoxycholique
De multiples essais cliniques en phase III ont permis de déterminer le profil d’innocuité de l’acide désoxycholique et de signaler les événements indésirables (EI) les plus fréquents.2-5 Depuis son arrivée sur le marché, un nombre croissant de documents traitant des effets indésirables réels après l’injection ont été signalés.
Les essais contrôlés pivots, avec répartition aléatoire des sujets, REFINE-1, par Jones, et al. et REFINE-2, par Humphrey, et al., ont répertorié les effets indésirables couramment observés après l’injection d’acide désoxycholique.4,5 Ils ont indiqué que les EI étaient courants, surtout transitoires et généralement de nature légère ou modérée. Les quatre événements indésirables qu’ils ont répertoriés le plus souvent sont l’enflure (87 %), les ecchymoses (72 %), la douleur (70 %) et l’engourdissement (67 %). Ces effets observés couramment duraient environ 4 jours en moyenne. Les EI qui ont été observés moins fréquemment sont l’érythème (27%), l’induration (23 %), la paresthésie (14%), la formation de nodules (13%) et le prurit (12 %). Par ailleurs, une dysphagie, dont la durée médiane était de 3 jours, a été observée chez 2 % des patients. Des lésions nerveuses dans la région de la branche mandibulaire marginale ont été signalées chez 4 % des sujets traités, avec une durée médiane d’environ 44 jours (variant de 1 à 298 jours jusqu’à la résolution). Les effets secondaires moins courants sont une sensation de chaleur dans la région traitée, la peau tendue, des nausées et des maux de tête. La plupart des effets indésirables qui ont été signalés se sont produits près du point d’injection et ont été facilement pris en charge avec des blocs de glace et des analgésiques oraux.
Les études portant sur des séries de cas et les EI signalés depuis la mise en marché du produit font état d’EI peu fréquents qui n’avaient pas été observés dans le cadre des essais contrôlés en phase III avec répartition aléatoire des sujets. Shridharani (2017) a été l’un des premiers à signaler une légère alopécie transitoire aux points d’injection chez 8 des 39 patients de sexe masculin; plus précisément après plusieurs séances de traitement chez 5 des 21 [23,8 %] patients, comparativement à 3 des 18 [16,7%] patients qui n’avaient suivi qu’une seule séance (p = 0,702).6,7 Dans cette série, tous les cas d’alopécie ont été résolus dans les 6 semaines suivant la dernière séance de traitement, et 5 autres cas d’alopécie localisée non cicatricielle aux points d’injection ont été signalés par la suite.8-11 Une récidive a été observée chez quelques-uns des patients affectés, alors qu’aucune n’a été observée chez d’autres patients. Une semaine après l’injection, un patient de sexe masculin a développé une alopécie ponctuelle dans la région traitée. Celle-ci s’est finalement résorbée au septième mois8. Un autre patient atteint d’une alopécie de la barbe n’a signalé qu’une amélioration de 60 % de son état 14 mois après sa première séance de traitement.8 Sebaratnam, et al. (2019) a pratiqué une biopsie sur un patient qui a développé une alopécie de la barbe après traitement, ce qui laisse supposer qu’un effluve télogène localisé était probablement le mécanisme en cause.11
En outre, 4 cas de nécrose cutanée ou de lésions vasculaires ont été signalés après un traitement par acide désoxycholique12-15. La plupart des cas ont fait état d’une sensation de douleur au moment de l’injection et d’un blanchissement cutané immédiat et visible, suivi du développement d’un purpura rétiforme et de lésions papuleuses ou vésiculaires après l’intervention. Certains cas de nécrose cutanée se sont résolus sans séquelles, tandis que d’autres ont laissé des cicatrices. Un cas de nécrose de la peau et d’ulcération le long de la mandibule a fait place à une plaque rouge indurée après sa guérison. Cette induration s’est partiellement résorbée après un traitement par laser à colorant pulsé et par laser CO2 fractionné.14 Un cas de formation de cicatrices hypertrophiques qui s’est manifesté après la résolution d’une manifestation vasculaire et un cas de cicatrices atrophiques et déprimées au niveau du cou qui étaient toujours visibles lors d’une visite de suivi un mois après l’injection ont été signalés.15
La plupart des EI associés au traitement à l’acide désoxycholique sont prévisibles, tolérables, transitoires et facilement pris en charge. Bien que rares, des cas de nécrose cutanée et d’alopécie de la barbe ont été signalés dans des rapports de pharmacovigilance. Une compréhension des effets secondaires possibles de l’intervention est nécessaire pour obtenir un consentement éclairé. De plus, ce consentement peut aider à établir des attentes quant à l’inconfort après l’intervention.
Sélection des patients
Une sélection appropriée des patients est la première étape pour obtenir des résultats sûrs et souhaitables sur le plan esthétique. L’acide désoxycholique pour injection est indiqué pour améliorer l’apparence de la convexité ou de la rondeur modérée ou importante associée à la graisse sous-mentonnière chez les adultes, en réduisant la graisse préplatysmale située entre le derme et le platysma. Les patients qui présentent un excès de tissus adipeux ou mous dans la région postplatysmale ne bénéficieront pas du traitement. Une laxité excessive de la peau dans la région sous-mentonnière est un autre signe que le patient n’est peut-être pas un candidat qui bénéficierait du traitement. Une réduction supplémentaire de la graisse sous-mentonnière chez ces patients peut accentuer la laxité de la peau et entraîner un résultat esthétiquement indésirable. Il est important de palper la région sous-mentonnière pour évaluer l’emplacement et la quantité de tissu adipeux, ainsi que pour déterminer la présence ou l’absence d’une laxité excessive de la peau.
Technique d’injection sécuritaire
Pour délimiter une zone de traitement sûre, il peut être utile de visualiser ou de dessiner une zone de traitement qui est bordée en haut par le pli sous-mentonnier, latéralement par les muscles sterno-cléido-mastoïdiens et en bas par l’os hyoïde (à l’angle cervico-mentonnier). Les points d’injection doivent être éloignés de 1,5 cm du bord inférieur de la mandibule pour éviter une injection dans la région de la branche mandibulaire marginale du nerf facial (Figure 1), ce qui pourrait provoquer une neuropraxie motrice ou se manifester sous forme de sourire asymétrique transitoire. Utilisez une grille d’injection à quadrillage de 1 cm2 pour définir la zone de traitement, de sorte que chaque point d’injection soit espacé de 1 cm.

Figure 1. Évitez la région de la branche mandibulaire marginale du nerf facial, monographie de BELKYRAMC, mars 2016

Figure 2. Vue sagittale de la région plastysmale, monographie de BELKYRAMC, mars 2016
Conformément à la monographie du produit, injectez une dose de 0,2 mL à chaque point en les espaçant de
1 cm, à l’aide d’une aiguille de 30 G (ou de plus petit calibre) d’une longueur de 0,5 po. Pincez le tissu sous-cutané entre deux doigts pour isoler la graisse avant l’injection.
Envisagez l’aspiration avant l’injection du produit, pour éviter l’injection intravasculaire. Jusqu’à 50 injections peuvent être administrées au cours d’une séance, mais la dose maximale ne doit pas dépasser 10 ml. Il est recommandé d’administrer jusqu’à 6 traitements à des intervalles d’au moins 1 mois16.

Tableau 1. Technique d’administration sécuritaire des injections d’acide désoxycholique, reproduit avec l’autorisation de Dorota Kadlubowska, MD
Pour éviter une injection dans la région de la mandibule et de la branche mandibulaire marginale du nerf facial, essayez de visualiser l’emplacement approximatif d’autres structures anatomiques importantes. Ces structures comprennent l’artère mentonnière et l’artère sous-mentale, les glandes sous-maxillaires (qui sont situées à proximité de la mandibule et sont les deuxièmes glandes salivaires en importance après la glande parotide), ainsi que le muscle digastrique, le muscle sterno-mastoïdien et le muscle peaucier du cou. Soyez attentif à l’emplacement le plus probable des ganglions lymphatiques dans la région sous-mentale, la région sous-maxillaire et la région cervicale. Si vous ressentez une résistance lorsque vous insérez l’aiguille, retirez-la et repositionnez-la. L’insertion d’une aiguille dans le tissu adipeux ne devrait pas créer une sensation de résistance.
Conclusion
Les dermatologues sont recherchés dans le monde de l’esthétique en raison de leur expertise, de leur souci envers la sécurité et de leur capacité à prendre en charge les complications associées aux traitements cosmétiques. Par conséquent, il est important qu’ils comprennent bien toutes les complications courantes, mais aussi les complications rares associées aux traitements cosmétiques qu’ils prodiguent. Pour obtenir les résultats recherchés, il est donc de la plus haute importance qu’ils connaissent bien les effets indésirables, qu’ils sachent sélectionner les patients appropriés et qu’ils connaissent l’anatomie et les techniques d’injection sécuritaire.
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