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À propos de l’auteur

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Jennifer Lipson, MD

La Dre Lipson est dermatologue médicale à Ottawa. Elle pratique à la clinique West Ottawa Specialty Care. Elle est chargée de cours à l’Université d’Ottawa et médecin associée à l’Hôpital d’Ottawa et au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO). Elle est membre du comité de la réunion semestrielle clinique et scientifique de dermatologie à Ottawa, du comité de surspécialité en dermatologie du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et du comité de direction de la section de dermatologie de l’Association médicale de l’Ontario. Ses sphères d’intérêt clinique comprennent les maladies inflammatoires à médiation immunitaire, l’acné hormonale et le cancer de la peau.

Actualité Dermatologique au Canada, Volume 2, Numéro 3, Août 2021

Traitement antiacnéique chez les femmes adultes

L’acné des femmes adultes (AFA) est une affection courante et difficile à traiter, qui résiste souvent aux traitements antiacnéiques classiques. L’AFA est un type d’acné hormonale qui touche les femmes. Cette affection culmine généralement dans la vingtaine et se résorbe lentement avec l’âge. En 2015, un sondage portant sur la prévalence de l’acné autodéclarée menée auprès de 540 femmes adultes a révélé que 50,9 % des femmes dans la vingtaine, 35,2 % des femmes dans la trentaine, 26,3 % des femmes dans la quarantaine et 15,3 % des femmes dans la cinquantaine sont touchées1. Un article publié en 1997 dans le British Journal of Dermatology a élucidé le phénomène de plus en plus courant de l’acné chez les adultes âgés de 25 ans ou plus et a signalé qu’à peu près 75 % des femmes (âge moyen = 35,5 ans) déclarent avoir eu de l’acné de façon continue ou intermittente depuis l’adolescence, tandis que 18,4 % déclarent n’avoir pas eu d’acné à l’adolescence2. 

Bien que l’AFA puisse toucher n’importe quelle zone du visage et du haut du corps, elle se manifeste généralement en forme de U au niveau des joues inférieures, de la mâchoire et du cou. Elle se manifeste sous forme de papules et de kystes inflammatoires, ainsi que par des comédons. Les patientes se plaignent souvent de kystes faciaux qui n’arrivent pas à se résorber, sont douloureux, durent des mois et se résolvent par une dépigmentation de longue durée. Les séquelles sont similaires à celles de l’acné chez les adolescentes et peuvent comporter des cicatrices (20 %), des modifications post-inflammatoires de la pigmentation, voire une dépression (10 %)1. 

Bien que le diagnostic de l’AFA soit généralement assez simple pour le dermatologue, la prise en charge de cette affection est parfois difficile. Ces patientes se caractérisent par l’échec de thérapies topiques standards et la récurrence de la maladie après des traitements répétés par antibiotiques et par isotrétinoïne. De plus, les dispositifs intra-utérins (DIU) hormonaux et certaines pilules contraceptives peuvent exacerber ou déclencher l’acné. 

Parmi les quatre facteurs pathogènes à l’origine de l’acné : kératinisation anormale des follicules, colonisation par Cutibacterum acnes (anciennement connu sous le nom de Proprionibacterium acnes), épisodes inflammatoires et hormones; l’élément hormonal est le facteur causal prédominant dans l’AFA. Les glandes sébacées sont androgéno-dépendantes. Les androgènes et la sensibilité des récepteurs des organes terminaux sont responsables de l’activité des glandes et de l’acné qui en résulte. Les progestérones ont divers degrés d’androgénicité, et ce degré d’androgénicité joue un rôle important dans l’AFA3. 

Le succès de la prise en charge de l’AFA repose sur le ciblage hormonal, notamment l’utilisation de contraceptifs oraux combinés (COC) ou de spironolactone. Des agents topiques devraient être utilisés pour optimiser le traitement. Les rétinoïdes topiques sont souvent utilisés pour traiter l’aspect relatif aux comédons de l’AFA. Par ailleurs, il a été démontré qu’ils ont un effet bénéfique sur la pigmentation et la cicatrisation post-inflammatoire, sans oublier les bienfaits anti-âge recherchés par de nombreuses femmes de ce groupe d’âge. Les gels contenant de la clindamycine-rétinoïde et du peroxyde de benzoyle-rétinoïde se sont également avérés efficaces dans le traitement contre l’AFA. En outre, le gel de dapsone à 5 % s’est révélé efficace chez les femmes atteintes d’AFA, tout comme le gel d’acide azélaïque à 15 %, qui présente l’avantage supplémentaire, dans cette population de patientes, d’être sans danger pour les femmes en âge de procréer ou les femmes enceintes2. 

Tous les contraceptifs oraux ont un effet antiandrogène net. Ils n’ont toutefois pas tous la même efficacité antiacnéique. Les contraceptifs oraux contiennent un oestrogène, l’éthinylestradiol (EE), qui augmente le taux de globuline liant les hormones sexuelles, ce qui entraîne une réduction du taux de testostérone libre. 

Les progestérones, dont le contenu varie considérablement d’un contraceptif oral à l’autre, sont réparties en 4 générations selon leur androgénicité (Figure1)4. Les progestérones de première génération, comme la noréthindrone, ont un effet androgène intrinsèque marqué, ce qui aggrave l’acné. Ce type de progestérone est présent dans de nombreux contraceptifs oraux et se trouve également dans la « mini pilule » qui contient uniquement de la progestérone, sans l’avantage anti-androgène supplémentaire conféré par les oestrogènes. Toutes ces options thérapeutiques de première génération ont tendance à aggraver ou à déclencher l’acné chez les femmes. Les cliniciens pourraient être intéressés d’apprendre que certains traitements couramment utilisés pour atténuer les symptômes de la ménopause, tels que les timbres transdermiques et les comprimés, contiennent des oestrogènes et de la noréthindrone. Par conséquent, ils peuvent déclencher ou aggraver l’acné chez cette population de femmes plus âgées. 

Figure 1. Générations de progestérone et traitement antiacnéique; d’après Apgar et coll., 2000

Les effets androgéniques et antiacnéiques varient d’une progestérone de deuxième génération, comme le lévonorgestrel et le norgestrel, à l’autre. Ces progestérones sont présentes dans les contraceptifs oraux les plus populaires. Bien que ces contraceptifs oraux couramment prescrits (et leurs équivalents génériques) soient homologués à la fois comme contraceptif et antiacnéique, ils ne sont pas aussi efficaces que les contraceptifs oraux contenant des progestérones plus anti-androgènes pour combattre l’acné5.

Le lévonorgestrel est également la progestérone présente dans tous les DIU hormonaux actuellement sur le marché. Ces DIU ne contiennent pas d’oestrogène. Les taux d’acné démontrés avec ces agents varient de 1 à 10 % et, dans certains cas, plus de 10 % selon les données figurant dans les monographies de produits homologuées par Santé Canada6. Des études rétrospectives ont montré une exacerbation de l’acné plus importante avec les DIU contenant du lévonorgestrel qu’avec les contraceptifs oraux7,8. En outre, une petite étude portant sur 51 personnes ayant reçu un DIU contenant du lévonorgestrel a révélé une modification significative (P = 0,0005) de la gravité de l’acné lors de la pose du DIU, 35 % des femmes signalant une aggravation de l’acné9. 

Les progestérones de troisième génération, comme le désogestrel, le norgestimate et le gestodène, sont moins androgènes que ceux des deux générations qui ont précédé et peuvent s’avérer très efficaces comme traitement antiacnéique. Ce sont ces progestérones que l’on trouve dans les contraceptifs couramment prescrits, ou leurs équivalents génériques. En outre, le timbre Evra® (norelgestromine) et l’anneau vaginal NuvaRing® (étonogestrel) contiennent des progestérones de troisième génération et des oestrogènes. Ils s’avérent être une bonne option thérapeutique de rechange pour la contraception et le contrôle de l’acné chez les patientes qui ne veulent pas prendre de contraceptif oraux3,4. 

Enfin, les « progestérones synthétiques » de quatrième génération, notamment la drospérinone et de l’acétate de cyprotérone, sont anti-androgènes et sont celles qui sont les plus efficaces pour combattre l’acné3. La drospérinone est un analogue synthétique de la spironolactone qui équivaut à environ 25 mg de spironolactone10. Elle agit en bloquant à la fois le récepteur des androgènes et en inhibant la production ovarienne d’androgènes10. Elle est présente en association avec l’éthinylestradiol (EE) dans les contraceptifs oraux couramment prescrits et leurs équivalents génériques, qui ont été homologués à la fois comme contraceptif et antiacnéique. 

L’acétate de cyprotérone bloque le récepteur des androgènes et inhibe la 5 alpha-réductase10. Elle est présente en association avec l’éthinylestradiol (EE) dans quelques contraceptifs oraux et leurs équivalents génériques, qui ont été homologués comme antiacnéique, mais pas comme contraceptif. 

L’utilisation de contraceptifs oraux n’est pas sans risque, notamment le risque de thromboembolie veineuse (TV). Chez les femmes en âge de procréer qui n’utilisent pas de contraceptifs oraux, ce risque se situerait entre 4 et 5/10 000 femmes par an (FPA). Ce risque serait encore plus élevé chez les utilisatrices de contraceptifs oraux, soit entre 9 à 10/10 000 FPA11,12. On croit que ce risque est associé à l’oestrogène plus qu’à la progestérone. De plus, le risque de TV est plus élevé avec les contraceptifs oraux contenant une dose plus élevée d’EE (> 30 mcg). Une controverse existe quant à la présence d’un risque légèrement accru de TV chez les utilisatrices de contraceptifs oraux à base de progestérones de troisième ou de quatrième génération (synthétiques)11,12. Des études épidémiologiques font état d’une légère augmentation du risque de TV, mais ces études sont observationnelles et la méthodologie utilisée ne contrôle pas entièrement les facteurs de confusion. Par contre, les études prospectives, quant à elles, ne révèlent aucun risque accru de TV. Selon la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), les utilisatrices de contraceptifs oraux à base d’acétate de cyprotérone/ oestrogène, le risque de TV est très faible et comparable à celui associé à d’autres contraceptifs oestroprogestatifs. Par ailleurs, les avantages l’emporteraient sur les risques chez la majorité des femmes. De même, pour la drospérinone, la SOGC suggère que les utilisatrices de contraceptifs oraux soient informées que les données probantes les plus fiables à l’heure actuelle ne suggèrent aucune différence en matière de risque de TV, quel que soit le type de progestatif contenu dans le contraceptif oral11. De plus, le risque de TV associé aux contraceptifs oraux est faible comparativement au risque de TV pendant la grossesse (29/10 000 FPA) et après l’accouchement (jusqu’à 300-400/10 000 FPA)10- 12. Au moment de conseiller les femmes au sujet des risques de TV associés aux contraceptifs oraux, il est important de tenir compte des risques relatifs et des autres facteurs de risque de TV, comme l’âge, le syndrome des ovaires polykystiques, l’obésité, le tabagisme, les déplacements en avion, les interventions chirurgicales ou les antécédents personnels et familiaux de TV10-12. 

La spironolactone est un traitement anti-androgène qui agit sur le récepteur des androgènes et est également un antagoniste de l’aldostérone qui est utilisé comme diurétique d’épargne potassique. Bien qu’il soit homologué par Santé Canada comme traitement contre l’hypertension essentielle, des états oedémateux, l’hyperaldostéronisme primaire et l’hypokaliémie, il est couramment utilisé hors indication comme traitement contre l’AFA, à des doses variant de 25 à 200 mg par jour (la dose initiale typique est de 100 mg)13. Selon de nouvelles données probantes, chez les femmes en bonne santé qui ont moins de 50 ans et observent un traitement antiacnéique par spironolactone, la surveillance régulière du potassium n’est pas nécessaire, car les taux d’hyperkaliémie dans la population traitée par spironolactone sont équivalents à ceux de la population en général. La surveillance du potassium est recommandée s’il existe d’autres facteurs de risque d’hyperkaliémie, comme une insuffisance rénale ou l’utilisation d’autres médicaments qui provoquent une hyperkaliémie (Figure 2)14,15. De plus, bien que contre-indiquée pendant la grossesse, la spironolactone est sans danger pendant l’allaitement. Une diurèse intense peut supprimer la lactation, mais il est peu probable que cette situation se présente avec la dose utilisée dans un traitement antiacnéique16. Par ailleurs, contrairement à ce que des études effectuées initialement sur des animaux laissaient entendre antérieurement, les grands registres ne corroborent pas le risque accru de cancer du sein, ce qui appuie l’innocuité de ce traitement14,15. 

De nouveaux traitements contre l’AFA, comme un nouvel inhibiteur topique des récepteurs androgènes et une crème clascotérone à 1 %, seront bientôt à la disposition des cliniciens. Cet agent topique réduit le sébum dans la peau. Dans le cadre d’essais cliniques en phase III, cet agent a démontré son efficacité comme traitement contre les lésions inflammatoires et comédoniennes chez les patientes atteintes d’acné d’intensité modérée ou grave17. 

L’acné des femmes adultes est une affection courante et difficile à traiter. Elle résiste souvent aux traitements antiacnéiques classiques. Les agents topiques sont rarement efficaces contre l’AFA lorsqu’ils sont utilisés seuls. Ils jouent toutefois un rôle thérapeutique d’appoint. Les contraceptifs oraux anti-androgènes, tout particulièrement ceux qui contiennent une progestérone synthétique (drospérinone ou acétate de cyprotérone), sont ceux qui se sont avérés les plus efficaces pour combattre l’acné, suivis de ceux qui contiennent des progestérones de troisième génération. Les contraceptifs oraux de première et de deuxième génération ne sont pas vraiment utiles et peuvent même exacerber ou provoquer une acné hormonale. Les DIU hormonaux peuvent également induire ou aggraver l’acné. La spironolactone est un traitement sûr et efficace contre l’AFA. Elle peut être utilisée en association avec une pilule contraceptive orale anti-androgène pour améliorer encore davantage les résultats10.

References: 

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