À propos de l’auteur

Vincent Richer, M.D., FRCPC
Dr Vincent Richer pratique la dermatologie médicale et esthétique à la clinique Pacific Derm à Vancouver. Il occupe les postes de professeur adjoint en clinique et de directeur de la formation médicale continue au département de dermatologie et des sciences de la peau de l’Université de Colombie-Britannique (UBC). Il a suivi une formation en médecine et en dermatologie à l’Université de Montréal, et a bénéficié d’une bourse de recherche en photobiologie et chirurgie cutanée au laser à l’UBC.
Actualité Dermatologique au Canada, Volume 3, Numéro 2, Mai 2022
Voir rouge : les perles du traitement par laser vasculaire
Introduction
Les dermatologues diagnostiquent couramment les lésions vasculaires dans la pratique clinique. Un grand nombre des lésions sont des néoplasmes bénins (par exemple, les angiomes appelés taches rubis, les lacs veineux), et d’autres surviennent dans le cadre d’une affection dermatologique (par exemple, la rosacée) qui peut être partiellement prise en charge avec une boîte à outils médicale existante d’options thérapeutiques. Alors que certains patients sont rassurés après la pose d’un diagnostic bénin, d’autres peuvent envisager un traitement non urgent de ces lésions. En tant que dermatologues, nous sommes en mesure de proposer un traitement électif sûr et efficace grâce à diverses modalités physiques. Les lasers vasculaires sont une catégorie de dispositifs capables de cibler l’hémoglobine, qui est chromophore, et donc offrir un traitement sélectif ainsi que la possibilité de parvenir à des résultats sans cicatrice. Cet article a pour but de partager des perles pratiques pour optimiser les traitements par laser vasculaire en pratique clinique.
Les lésions sont-elles sensibles au laser vasculaire?
En général, les télangiectasies, les angiomes stellaires, les taches rubis et les lacs veineux sont des lésions qui répondent très bien à la chirurgie vasculaire au laser : un ou deux traitements permettent généralement d’obtenir une amélioration notable. L’érythème de fond1, comme dans le cas de la rosacée, peut nécessiter quelques traitements supplémentaires pour obtenir une réponse cliniquement satisfaisante. Les cicatrices érythémateuses ou rouges requièrent également plusieurs traitements2 (Figure 1), alors que les télangiectasies péricicatricielles (courantes lors de reconstructions par lambeau) répondront comme indiqué ci-dessus. Un résultat positif peut nécessiter un plus grand nombre de traitements pour les cicatrices érythémateuses présentes sur le corps (par exemple, des cicatrices chirurgicales) plutôt que sur le visage (par exemple, des cicatrices acnéiques), en partie en raison d’un traitement plus conservateur.

Figure 1. cicatrices érythémateuses traitées par trois séances de laser KTP 532 nm; image reproduite avec l’aimable autorisation du Dr Vincent Richer
Les malformations vasculaires capillaires répondent comme prévu aux lasers vasculaires, mais plusieurs traitements sont nécessaires et elles peuvent ne disparaître que partiellement. Il est essentiel d’établir le diagnostic avant d’effectuer une chirurgie au laser : certaines affections érythémateuses rares, telles que la kératose pilaire rouge, peuvent avoir une réponse prolongée au traitement par laser vasculaire. La structure de certaines lésions bénignes n’est qu’en partie vasculaire et le laser vasculaire pourrait ne pas les améliorer complètement : par exemple, l’auteur préfère traiter les angiofibromes au moyen d’un laser ablatif. La confirmation du diagnostic est la première étape menant à l’élaboration d’un plan de traitement qui consiste à fixer ce que les patients peuvent raisonnablement attendre quant à la disparition des lésions. L’absence d’un diagnostic fiable pour une lésion pourrait être considérée comme une contre-indication relative au traitement.
Choisir une longueur d’onde appropriée (ou deux!)
Selon la théorie de la photothermolyse sélective3, la longueur d’onde du laser choisie pour un traitement doit avoir une affinité pour l’hémoglobine vue sous l’angle d’un chromophore et doit atteindre la profondeur de traitement souhaitée pour atteindre ce chromophore. Les longueurs d’onde « classiques » d’un laser vasculaire correspondent à 532 nm (« laser KTP » qui est un laser Nd:YAG doublé en fréquence par un cristal de KTP [phosphate de titanyle et de potassium]) et à 585-595 nm (laser à colorant pulsé [PDL]). Ces longueurs d’onde permettent d’exploiter l’un des trois pics d’absorption de l’hémoglobine (417 nm, 542 nm, 577 nm). Leur profondeur de pénétration atteint le niveau du derme superficiel, le laser PDL ayant une pénétration légèrement plus profonde. Le traitement optimal de certaines lésions peut requérir des longueurs d’onde pénétrant plus profondément. Les lasers « KTP » et PDL disponibles sur le marché émettent la longueur d’onde Nd:YAG de 1064 nm qui permet d’administrer l’énergie à des lésions vasculaires plus profondes et d’exploiter l’affinité de la longueur d’onde de 1064 nm pour la désoxyhémoglobine. Par exemple, un angiome stellaire présente généralement un vaisseau central plus profond qui peut être scellé par une impulsion laser Nd:YAG tandis que le reste de la lésion peut être traité par une longueur d’onde plus superficielle (Figure 2). Un autre exemple est une malformation capillaire comportant de petits amas vasculaires. Dans ce cas, le laser « KTP » ou PDL peut traiter la composante maculaire, mais des longueurs d’onde plus profondes seront plus efficaces pour les amas. En tant que spécialiste de la chirurgie au laser, on peut envisager d’utiliser un laser Alexandrite à impulsion longue ou une diode laser à impulsion longue pour traiter les lésions vasculaires plus profondes. Les cliniciens doivent éviter l’empilement des impulsions (déclenchement d’une impulsion immédiatement après l’impulsion initiale, en utilisant souvent la fonction de fréquence de répétition des dispositifs laser) et surveiller le critère biologique pertinent lors de l’utilisation de longueurs d’onde à pénétration plus profonde – un traitement trop énergique peut entraîner la formation de croûtes, d’ulcérations et de cicatrices.

Figure 2. angiome stellaire traité par une combinaison de laser KTP 532 nm et de laser Nd:YAG 1 064 nm; image reproduite avec l’aimable autorisation du Dr Vincent Richer
La « toile de fond » cutanée du patient est-elle Une bonne candidate pour le laser vasculaire?
Dans la pratique, il existe très peu de contre-indications à la chirurgie vasculaire au laser4. On évite généralement de traiter des patientes enceintes ou qui allaitent, tout comme de commencer un traitement si une infection ou une inflammation active est présente sur le site à traiter. Si les patients ont une peau très bronzée le jour du traitement ou s’ils ne peuvent vraiment pas éviter une exposition au soleil après le traitement, il est judicieux de reporter la procédure. Des antécédents de cicatrices chéloïdes valent la peine d’être examinés. Toutefois, selon l’auteur, ceci ne constitue pas une contre-indication au traitement, mais plutôt un guide pour envisager une modification. En cas d’antécédents d’infection par le virus de l’herpès simplex (HSV) et de traitement de la zone péribuccale, une prophylaxie antivirale peut être envisagée. Quoique plusieurs lignes directrices recommandent d’éviter les traitements chez les patients qui prennent des produits photosensibilisants, les lasers vasculaires émettent de la lumière dans le spectre visible et infrarouge et ces longueurs d’onde sont rarement responsables d’une sensibilité aux médicaments. Il est préférable d’éviter le traitement au laser vasculaire chez les patients atteints de maladies cutanées que la lumière visible peut aggraver (par exemple, porphyrie, dermatite actinique chronique, urticaire solaire). Un traitement par isotrétinoïne au cours des six derniers mois était auparavant considéré comme une contre-indication à un traitement au laser vasculaire, mais ce dogme a été réfuté par le groupe de travail de l’American Society for Dermatologic Surgery qui a identifié peu de données probantes à l’appui d’un report du traitement5. Enfin, il existe des préoccupations sur la possibilité d’un phénomène de Koebner dans la zone de traitement local en cas de vitiligo ou de psoriasis instable. Selon l’expérience de l’auteur, cela ne s’est pas encore produit, mais ce risque doit être discuté avec les patients avant le traitement.
Traiter en fonction d’un critère biologique connu
Il existe de nombreux facteurs dépendant du praticien qui interviennent dans le traitement au laser vasculaire. Le traitement réalisé dans le but d’atteindre un critère biologique pertinent peut aider à maximiser la sécurité (minimiser un traitement excessif) et l’efficacité (minimiser un traitement)6.
Le purpura est une réponse biologique bien établie dans le cadre de la chirurgie vasculaire au laser. Généralement, il devrait apparaître lors du traitement des taches de vin ou être observé au sein d’une tache rubis après exposition au laser, par exemple. Dans d’autres situations, le purpura n’est pas indispensable à la réponse clinique et est indésirable pour les patients qui veulent éviter un « temps d’arrêt » social trop long. Les critères biologiques non purpuriques sont notamment la disparition des vaisseaux sanguins, un blanchiment passager et une constriction veineuse.
La disparition des vaisseaux est un critère biologique pertinent et satisfaisant (Figure 3) dans le traitement des télangiectasies, comme on peut l’observer dans la rosacée érythémato-télangiectasique ou autour des cicatrices de reconstruction par lambeaux.

Figure 3. Critère biologique correspondant à la disparition des vaisseaux lors du traitement des télangiectasies du nez; image reproduite avec l’aimable autorisation du Dr Vincent Richer
Un blanchiment passager est souvent le critère biologique recherché dans le traitement d’un érythème de fond ou de cicatrices. Une constriction veineuse peut être observée lors du traitement de lésions veineuses plus profondes, telles qu’un lac veineux. Ce phénomène peut être accompagné d’un bruit de « pop » audible et d’une légère onde de choc ressentie par le biais de la pièce à main.
Un traitement réalisé en fonction d’un critère précis permet d’éviter une approche « toute faite ». Généralement, l’auteur utilise des réglages laser conservateurs, administre quelques impulsions sur la zone de traitement et examine la peau durant quelques secondes. En l’absence de la réponse souhaitée, la fluence peut être augmentée graduellement pour tester une zone adjacente. La durée des impulsions peut également être réglée selon la taille de la cible, les structures plus importantes ayant généralement besoin d’être traitées avec des impulsions de plus longue durée.
Certains critères biologiques sont un signe de complications éventuelles7. Si le purpura peut être un critère biologique recherché, il peut aussi représenter une complication pour un patient qui n’a pas été averti de cette possibilité. Bien qu’il n’existe pas de « seuil purpurique » unanime, on l’observe plus souvent avec des durées d’impulsion plus courtes et des fluences plus élevées. Selon certains auteurs, l’empilement d’impulsions de fluence plus faible pourrait avoir l’avantage de chauffer les vaisseaux à une température critique sans causer de purpura.8 Nous ne conseillons cette méthode qu’avec des lasers vasculaires émettant des longueurs d’onde pénétrantes plus courtes (532 nm, 585-595 nm).
L’apparition d’un blanchiment persistant ou d’une décoloration de couleur gris bronze doit immédiatement inciter le spécialiste de la chirurgie laser à interrompre le traitement, à réévaluer les réglages, à envisager un traitement plus conservateur ou à arrêter complètement le traitement.
Administrer un traitement avec des longueurs d’onde de 532 nm et de 585-595 nm qui se chevauchent de 10 à 15 %
Lors du traitement au laser vasculaire, les patients peuvent s’attendre à ressentir une douleur pendant l’exposition au rayonnement, à une sensation de chaleur ou de brûlure, à la survenue d’un œdème et d’un purpura si c’est le critère recherché. L’utilisation de la fluence efficace la plus faible pour traiter jusqu’à l’obtention du critère recherché réduit le risque d’une modification pigmentaire postinflammatoire, de formation de croûtes, d’ulcération ou de cicatrices. Comme indiqué précédemment, l’empilement d’impulsions de longueurs d’onde très pénétrantes, notamment la longueur d’onde de 1 064 nm du laser Nd:YAG, peut augmenter considérablement le risque de cicatrices. L’emplacement des impulsions laser joue également un rôle dans la minimisation des effets indésirables. La formation d’un alvéolage/d’empreintes est un effet indésirable susceptible de se produire avec les lasers vasculaires s’il existe des intervalles entre les impulsions laser (Figure 4). Il s’observe surtout lorsque le critère biologique recherché est un blanchiment passager, notamment dans le traitement d’un érythème de fond, ce qui peut compliquer le suivi de la zone traitée. Un chevauchement des impulsions de 10 à 15 % lors d’un traitement au laser « KTP » ou PDL peut minimiser le risque d’alvéolage. Heureusement, si celui-ci apparaît, la solution consiste simplement à administrer un traitement supplémentaire au laser vasculaire.

Figure 4. Fempreintes/alvéolage résultant d’un chevauchement incomplet pendant un traitement au laser vasculaire; avec l’aimable autorisation de Vincent Richer, M.D.
Envisager de traiter les lésions pigmentées épidermiques avec un laser vasculaire
Bien qu’il existe de nombreux lasers pour cibler les pigments, les spécialistes de la chirurgie laser ont tout intérêt à maximiser le nombre d’applications cliniques permises par chacun de leurs dispositifs. Parfois, un laser déclenché ou picoseconde n’est pas disponible, ou un patient traité pour une lésion vasculaire pourrait également profiter du traitement d’une lésion pigmentée épidermique au cours de la même séance. Le ciblage d’un pigment épidermique avec les « lasers vasculaires » classiques est plus efficace si on utilise une tache laser de petite taille pour effectuer un traitement focal du pigment, des durées d’impulsion plus courtes pour respecter le temps de relaxation thermique des structures pigmentées, et un refroidissement réduit pour favoriser certaines lésions épidermiques. Le ciblage du pigment épidermique doit être de nature conservatrice afin d’éviter l’atteinte du pigment endogène et la modification pigmentaire post-inflammatoire résultante. En particulier, le traitement de choix de l’auteur pour les petites kératoses séborrhéiques/la dermatose papuleuse noire est le « laser KTP » à impulsion longue9 (Figure 5). Le critère biologique recherché dans ces cas est une desquamation ou un grisonnement modéré de la lésion, qui peut être accompagné d’un léger bruit de « pop » ou de « clic ». L’empilement des impulsions est souvent nécessaire pour atteindre le critère recherché dans cette situation clinique.

Figure 5. petites kératoses séborrhéiques/dermatose papuleuse noire traitées par une séance laser KTP 532 nm; image reproduite avec l’aimable autorisation du Dr Vincent Richer
Identifier les patients mieux adaptés à la lumière intense pulsée qu’au laser vasculaire
La lumière intense pulsée (LIP) est une technologie largement répandue où une lumière non cohérente à large bande est émise entre ~500 nm et 1 200 nm.
Sa grande pièce à main équipée d’un cristal est facile à utiliser pour le traitement de larges surfaces, notamment les traitements du visage entier ou du décolleté. Des filtres peuvent être utilisés pour sélectionner les longueurs d’onde les mieux adaptées au traitement des structures vasculaires ou des pigments. Le grand nombre de chromophores cibles dans la peau permet l’utilisation de la LIP avec une fenêtre thérapeutique très étroite. La mélanine endogène peut être fortuitement ciblée pendant le traitement et, par conséquent, cette modalité de traitement convient mieux aux patients dont la peau est claire et présente des lentigos solaires et des télangiectasies (Figure 6). Comme le laser vasculaire, la LIP peut également être utilisée pour un traitement ciblant l’atteinte d’un certain critère biologique afin d’obtenir des résultats optimaux.

Figure 6. traitement des lentigos solaires et des télangiectasies par une séance de LIP ciblant l’obtention des critères biologiques recherchés; image reproduite avec l’aimable autorisation du Dr Vincent Richer
Conclusion
Le traitement de patients avec un laser vasculaire est une suite logique du travail d’un dermatologue. Grâce à un diagnostic précis, à une solide connaissance des interactions entre le laser et la peau et à un examen attentif de la peau afin de détecter la présence des critères biologiques recherchés pendant l’intervention, les dermatologues peuvent offrir un traitement sûr et efficace des lésions vasculaires au moyen du laser.
Données et photos des patients utilisées avec la permission de Vincent Richer, M.D.
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